La réduction de la dette publique reste une priorité
Texte d’opinion publié le 19 avril 2019 dans Les Échos.
Notre croissance est insuffisante pour faire reculer le poids de l’endettement, écrit Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari. Les déficits permanents et l’accumulation de la dette sont une épée de Damoclès.
La baisse de la fiscalité est une priorité pour les Français. Elle est légitime dans un pays où elle atteint des records. Elle ne devait néanmoins pas détourner l’attention des déficits permanents et de l’accumulation de la dette qui restent, en France, une épée de Damoclès. Nous aurions intérêt à les considérer comme tels plutôt que d’attendre qu’ils nous obligent à faire des choix extrêmement coûteux pour la collectivité.
Comme l’écrit le philosophe Isaiah Berlin, connu notamment pour son développement de la distinction entre liberté positive et liberté négative, « le mieux que l’on puisse faire, comme règle générale, c’est de maintenir un équilibre précaire qui empêchera l’occurrence de situations désespérées, de choix intolérable. C’est l’exigence première d’une société décente. »
Stratégie gagnante
L’accumulation de dettes génère des risques, notamment celui que les choses deviennent incontrôlables. Pour autant, l’économiste Olivier Blanchard questionnait récemment l’enjeu collectif que représente la baisse des dettes publiques. Selon lui, « la dette publique est mauvaise, mais pas catastrophique. Il est possible d’y avoir recours, mais il faut le faire à bon escient ». Dans un contexte de taux faibles, avec des taux d’intérêt inférieurs au taux de croissance, l’endettement peut être une stratégie gagnante.
Le propos du président de l’American Economic Association, d’origine française, a naturellement été largement commenté dans l’Hexagone. Dans un pays comme la France, il signifierait, par exemple, qu’il ne serait peut-être pas nécessaire de trouver de nouvelles recettes ou de baisser les dépenses pour résorber les déficits. Plus simple et plus efficace serait de laisser filer la dette. Une aubaine alors que les promesses faites aux « gilets jaunes » ont creusé le déficit attendu pour 2019 et qu’il pourrait l’être encore davantage.
Stratégie coûteuse
Toute la question est évidemment de savoir si la dette en France est excessive ou pas. Selon les critères proposés par Olivier Blanchard lui-même, la France est depuis plusieurs années dans la situation où l’accumulation de dettes est problématique. En effet, pour l’ancien économiste du Fonds monétaire international (FMI), lorsque le taux d’intérêt est supérieur à la croissance, l’endettement devient une stratégie coûteuse, d’où l’importance d’y remédier en dégageant des excédents.
Or, la charge de la dette en France a été de 2,4 % du PIB par an en moyenne sur les dix dernières années alors que la croissance, sur la même période, était de 1,8 % en volume et de 0,8 % en valeur. La croissance a donc été insuffisante pour faire reculer le poids de l’endettement. L’endettement public, loin d’avoir permis un enrichissement collectif, s’est avéré coûteux. Et d’un point de vue consolidé, il atteint des montants significatifs. Il représente 4,7 années de PIB lorsqu’on prend en compte les 98 % de dette explicite et les 370 % de dette implicite contractés au titre des retraites par répartition non provisionnées. C’est quasiment autant que le patrimoine net des ménages, estimé par l’Insee à 4,8 années de PIB au titre de 2016. Une fois les dettes prises en compte, la richesse nette des Français est bien faible, avec 13 % du PIB, soit moins de 4.400 euros par personne.
L’endettement en France ne semble donc pas être créateur de valeur. On aurait bien tort de prendre la question à la légère et de laisser filer les déficits, au risque de se retrouver dans une situation désespérée, à l’image des déboires de nos voisins du Sud à l’occasion de la dernière crise financière.
Cécile Philippe est présidente de l’Institut économique Molinari.