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Et l’économie dans tout ça?

En France et plus largement en Europe, l’absence de croissance constitue la toile de fond sur laquelle se greffent de manière plus aiguë les autres préoccupations du moment. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Pendant cette campagne législative éclair, des économistes ont rappelé que les questions économiques n’étaient pas l’enjeu principal de ces élections. Ils ont raison, mais seulement jusqu’à un certain point. Car la réalité qui s’impose aujourd’hui en France et en Europe plus largement, c’est que l’absence de croissance constitue la toile de fond autour de laquelle se greffent de manière plus aigüe les autres préoccupations du moment.

Le professeur d’économie politique Jean Pisany-Ferry rappelait récemment sur France Inter que « Les questions économiques sont évidemment importantes, mais l’enjeu de base de ces élections, ce n’est pas celui-là ». L’économiste Olivier Blanchard affirme la même chose en écrivant que les élections se jouent sur des sujets qui pourraient être déterminants comme l’immigration, le soutien à l’Ukraine, la politique étrangère, etc.

Ce constat est vrai mais occulte de manière trop rapide l’impact de l’environnement économique dans lequel les gens votent. Car la bonne santé de nos économies est une promesse fondamentale des politiques. Le marasme économique sape la légitimité des dirigeants tout en faisant le lit des alternatives. Il n’y a pas besoin de regarder très loin pour constater que l’Europe – et la France ne fait pas exception – est à la traine. Les prévisions de croissance s’accumulent et se ressemblent, la croissance reste en deçà des attentes.

La baisse du chômage et la participation accrue au marché du travail ne montrent-ils pas que la situation s’améliore ? Oui, mais une lecture nuancée s’impose. L’augmentation de la participation au marché du travail est par exemple liée au développement de l’apprentissage, tendance plébiscitée par les jeunes, mais elle vient aussi de ce que la population plus âgée doit travailler plus longtemps, parfois à regret pour raisons réglementaires ou financières. L’allongement de la carrière plus longue n’est pas vécue par tous comme une chance, pour certains c’est une nécessité liée à des contraintes économiques pressantes.

Par ailleurs, les prestations sociales françaises ne sont pas « bon marché ». Depuis 15 ans, nous mesurons chaque année à l’Institut économique Molinari en partenariat avec EY le poids des prélèvements fiscaux et sociaux sur l’employé moyen. Année après année, la France reste sur le podium des 3 pays imposant le plus les salariés moyens. C’est le cas des retraites qui coûtent sensiblement plus cher en France, avec des cotisations de 28 % du salaire brut contre 21 % en moyenne dans l’union européenne, pour un taux de remplacement identique, à 72% du salaire net. En France, le pouvoir d’achat des actifs et retraités est pénalisé par le sous-développement des capitalisations collectives. Le rapport qualité-prix des prestations publiques est aussi médiocre dans l’éducation, avec une dégradation du positionnement français, en dépit d’un investissement collectif majeur.

Le durcissement du contexte économique et social et l’incapacité à recréer de la croissance partagée constituent le cadre dans lequel se posent et se reposent les questions culturelles, religieuses, environnementales prégnantes dans le débat. Elles ne sont pas fondamentalement séparées mais leurs réponses peuvent les opposer. Le choix en politique implique de trouver des solutions décentes, la perfection étant souvent une illusion, sans sacrifier les attentes des uns ni les autres, ce que la polarisation actuelle rend très difficile.

Cécile Philippe

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