L’affaire Microsoft ressemble à un procès en sorcellerie
Article publié par l’Agefi dans le numéro du 27-28-29 mai 2005.
Depuis sa condamnation pour violation des lois antitrust en mars 2004, Microsoft a l’obligation de commercialiser une version de son système d’exploitation sans lecteur multimédia. Son nom a été révélé le 28 mars. Ce sera «Windows XP N», «N» signifiant «not with Media Player», selon l’accord trouvé avec la Commission européenne. Il est de bon ton d’accabler Microsoft. Cependant, un examen sobre du volet Media Player de cette affaire révèle le caractère arbitraire de certaines accusations et jette le doute sur les intentions de la Commission.
La Commission a fait savoir, au moment de la condamnation, que les deux versions de Windows devaient être «équivalentes sous l’angle de leurs performances». Elle a donc mal accueilli la dénomination proposée en décembre dernier par Microsoft: «Windows XP Reduced Media Edition». Un tel nom doit en effet suggérer que la version allégée est… allégée. La Commission préfère la «Neutralité» d’un «Windows XP N». Le problème est que cette position se marie mal avec le grief reproché.
Microsoft a été condamné à vendre un Windows sans Media Player parce que la version complète lui donnait un avantage «déloyal». Ceci signifie que, si les consommateurs avaient le choix entre les deux versions, ils préféreraient Windows XP «N» assorti d’un lecteur multimédia concurrent au Windows avec Media Player intégré. Le consommateur serait mieux servi et les parts de marché redistribuées. Cependant, un tel scénario n’est envisageable que si les performances des deux versions ne sont pas équivalentes.
En toute rigueur, le consommateur ne peut considérer la nouvelle version comme équivalente à l’ancienne que s’il n’est pas intéressé par le Media Player de l’ancienne. Soit il n’a que faire d’un lecteur multimédia, soit il utilise déjà un lecteur concurrent. Si le consommateur juge les performances des deux versions de Windows équivalentes, l’existence de la version allégée ne peut améliorer le service rendu et faire croître les ventes des Media Player concurrents. Dans ce cas, «l’intérêt du consommateur» ne peut pas justifier le harassement dont Microsoft a fait l’objet pour que les noms des deux versions reflètent le moins possible leurs différences.
Ce n’est pas tout. Les concurrents de Microsoft se plaignent de problèmes d’incompatibilité entre leurs programmes et la version allégée de Windows. Un responsable de l’UE ayant requis l’anonymat a confirmé les dires des plaignants. C’est peut-être l’information la plus révélatrice quant à la crédibilité des motivations affichées par les censeurs de Microsoft.
La raison d’être de la sanction est que le Media Player intégré nuirait aux concurrents. Le retirer devrait donc pleinement leur bénéficier. Si ce n’est pas le cas, c’est que ces éditeurs de logiciels sont en réalité des bénéficiaires externes du système Windows Media Player. On ne peut pas soutenir en même temps que Microsoft nuit à ses concurrents et qu’il les sert, avec le même produit. En toute logique, on ne peut donc pas reprocher à Microsoft de proposer un Windows «N», défaillant du fait de l’absence des fichiers spécifiques à Windows Media Player, et d’avoir été un concurrent «déloyal» avec son Windows Media Player.
Dans un procès où l’on néglige de prendre au sérieux la logique, l’arbitraire prend une position dominante sur le raisonnement et l’expérience. L’accusation persistant dans cette voie, l’affaire Microsoft ressemble de plus en plus à un procès en sorcellerie.
Xavier Méra est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.