Autoroutes à vendre… ou à donner ?
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Le gouvernement français a finalisé mercredi 14 décembre la vente de ses titres dans les sociétés autoroutières ASF, SANEF et APPR, au profit des sociétés Vinci, Abertis et Eiffage-Macquarie. Lorsqu’il est question de privatisations, aussi partielles soient-elles, certains objectent que les entreprises publiques « appartiennent à tous les Français ».
Le gouvernement français a finalisé mercredi 14 décembre la vente de ses titres dans les sociétés autoroutières ASF, SANEF et APPR, au profit des sociétés Vinci, Abertis et Eiffage-Macquarie. Lorsqu’il est question de privatisations, aussi partielles soient-elles, certains objectent que les entreprises publiques « appartiennent à tous les Français ». En fait, les entreprises publiques n’appartiennent pas à tous les Français mais à ceux qui les contrôlent effectivement. Les privatisations ne retirent pas de titres de propriété aux Français. Cependant, il ne s’ensuit pas que les privatisations, telles qu’on les pratique aujourd’hui, devraient être accueillies sans réserves. Contrairement à la vente par l’Etat de ses titres, leur distribution gratuite aux contribuables permettrait de donner réalité à l’idée selon laquelle les entreprises appartiennent aux Français, tout en répondant à l’exigence d’une meilleure gestion de ces sociétés, exigence habituellement mise en avant par les partisans des privatisations.
Il est absurde de s’opposer aux privatisations parce que les entreprises publiques appartiendraient aux Français. S’ils étaient vraiment propriétaires de ces entreprises, cela signifierait qu’elles sont en réalité déjà privatisées et que leur capital est réparti entre eux. Autrement dit, les Français seraient actionnaires de leurs entreprises publiques. On voit mal comment le gouvernement pourrait alors vendre des parts de sociétés qui ne lui appartiennent pas. Et s’opposer à une privatisation sans objet serait tout simplement hors de propos. Le simple fait qu’on envisage de privatiser des entreprises publiques révèle qu’elles n’appartiennent pas aux Français mais à ceux qui, dans l’appareil d’Etat, sont en mesure de décider si on les vend ou non et dans quelles conditions. Lorsqu’on n’a pas le droit de vendre ses parts dans une société, ce qui est bien entendu le cas des Français avec « leurs » entreprises publiques, c’est qu’on n’en est pas véritablement propriétaire.
Toute objection levée par les opposants aux privatisations tombe-t-elle avec le constat selon lequel les Français ne détiennent pas les entreprises publiques ? Certainement pas. Lorsqu’on pense que ces entreprises devraient appartenir aux Français, la vente d’actions par le gouvernement ne peut pas constituer une solution satisfaisante, même si elle n’est ouverte qu’aux nationaux. En effet, une telle privatisation consiste à proposer aux Français de leur vendre des titres dont ils devraient déjà être propriétaires ! Mais la réponse à offrir n’est pas le maintien des entreprises publiques dans leur statut actuel. On devrait au contraire envisager qu’une « autre privatisation est possible » : la distribution gratuite des titres de propriété aux contribuables français. Une fois en leur possession, ces parts seraient échangeables. Cela permettrait aux personnes peu intéressées par la gestion de l’entreprise, voulant simplement placer leur argent autrement ou le dépenser, de se séparer de leurs titres en les vendant à ceux qui souhaitent en avoir davantage.
La privatisation par distribution gratuite de titres de propriété répondrait en outre à une critique venant des partisans du « patriotisme économique », reprochant au gouvernement de « brader les autoroutes aux étrangers ». La privatisation traditionnelle donne lieu à des conflits parce que la décision de vendre des parts de sociétés est prise par le gouvernement au nom de tous, là où les avis sont divergents. Certains veulent que les autoroutes restent sous contrôle français, d’autres qu’elles soient vendues plus chères, etc. Si au contraire, on laissait les titres de propriété à la disposition des contribuables français, reconnaissant à chacun d’eux le droit d’user de ses titres de propriété dans les sociétés autoroutières comme il l’entend, le problème ne se présenterait plus de la même manière. Chacun estimerait pour ce qui le concerne, sans forcer personne à agir de même, s’il souhaite se défaire de ses titres ou les garder, à quel prix et au profit de quel acheteur, étranger on non. Bien entendu, personne ne serait obligé de céder ses parts à des investisseurs étrangers si cette option lui était désagréable.
Pour rester conséquents avec l’idée que les entreprises publiques sont dans les bonnes mains lorsqu’elles appartiennent aux Français, les opposants à la vente de ces sociétés devraient se montrer favorables à une privatisation par distribution gratuite des titres aux contribuables. Une telle démarche serait en tout cas plus cohérente que la promotion de leur maintien dans le giron de l’Etat. Et dans la mesure où les partisans habituels des privatisations tiennent plus à intégrer les entreprises publiques dans le secteur privé qu’à la méthode par laquelle l’Etat s’en sépare, cette démarche aurait l’avantage de rendre conciliable ces objectifs.