Les obstacles au licenciement nuisent à la sécurité de l’emploi
Article publié par Les Échos le 7 février 2006.
En annonçant le 16 janvier de nouvelles réformes du marché du travail, le premier ministre Dominique de Villepin a donné à ses opposants de quoi nourrir la polémique sur la précarité de l’emploi en France. Ainsi, Sergio Coronado, porte-parole des verts commente « La porte est désormais ouverte à la précarité globale pour la jeunesse, déjà durement touchée par le chômage. Désormais les jeunes ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres salariés au moment de leur embauche. » Au delà des «vives déclarations», il est important de se demander si la quasi interdiction de licencier en France n’explique pas au moins en partie le taux de chômage record de 23% chez les jeunes de moins de 25 ans.
Les limites au droit de licencier pour les employeurs sont nombreuses en France et les syndicats comme de nombreux politiciens pensent qu’elles favorisent la lutte contre la précarité et assure la sécurité professionnelle pour tous les salariés. D’aucun réalise qu’une complète liberté de licencier favorise la hausse de l’emploi et qu’elle est en particulier favorable aux jeunes inexpérimentés.
Comment est-ce possible ? Dans une économie de marché, l’employeur n’est pas le maître de ses employés en ce sens qu’il doit simplement acheter des services du travail en vue de produire des biens qu’il espère vendre à des consommateurs, au prix qu’ils seront prêts à payer. Ce sont eux qui dirigent l’activité économique, la sanctionnent ou la récompensent. Les employeurs essaient d’anticiper les humeurs changeantes des consommateurs et de ce fait embauchent ou licencient en fonction de celles-ci.
Contrairement à une idée largement répandue, l’intervention du gouvernement dans le processus d’embauche et de licenciement n’est pas source de plus grande sécurité pour les travailleurs, en particulier ceux qui recherchent un emploi. Elle peut certes assurer la sécurité de certains employés mais seulement au mépris du droit des autres de travailler. La «précarité» dont nous parle les syndicats est plus facile à vivre que les longues années de chômage sans espoir de retrouver un emploi. Elle requiert certes des efforts, elle n’offre aucune garantie mais c’est justement pour cette raison qu’elle offre la possibilité de trouver un emploi.
En empêchant un employeur de licencier, on l’oblige à assumer un risque supplémentaire qui consiste à garder une personne pas ou plus adaptée à un emploi. C’est ainsi qu’on le force à s’assurer contre le risque de voir un nouvel employé se transformer en un employé impossible à congédier et pourtant incompétent à la tâche qui lui a été assigné. Cela conduit à une hausse des coûts potentiels et perçus liée à tout nouvelle décision d’embauche. Cette dernière sera de ce fait moins importante ainsi que l’emploi en général.
D’autre part, en l’absence de liberté de licencier, l’employeur sera beaucoup moins enclin à donner sa chance à des jeunes inexpérimentés, le risque avec ces derniers étant encore plus élevés qu’avec des salariés confirmés. Par contre, s’il peut s’en séparer plus facilement, il sera aussi davantage tenté de donner à des jeunes l’opportunité de prouver leurs compétences et ainsi d’augmenter le niveau de l’emploi dans toute l’économie.
Loin d’être synonyme de précarité, la reconnaissance du droit de licencier et la mobilité qui l’accompagne favorisent la sécurité, celle d’obtenir un emploi plutôt que de rester de façon permanente au chômage. Ainsi, la disposition autorisant le licenciement pendant une période de deux ans de certains salariés contenue dans le Contrat Première Embauche (ainsi que dans le Contrat Nouvelle Embauche) est de nature à favoriser l’embauche et à assurer une plus grande sécurité à l’ensemble des salariés. Il faut souhaiter que seront prochainement reconnus les bénéfices d’une totale liberté d’embauche et de licenciement.
Cécile Philippe est directeur de l’Institut Economique Molinari.