OGM : le principe de précaution en question
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Le jeudi 23 mars, les sénateurs français ont adopté en première lecture le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. Les opposants crient au non-respect du principe de précaution. C’est pourtant au nom de ce principe que la nouvelle loi imposerait des mesures restrictives obligeant les paysans à déclarer les parcelles de plantes transgéniques, à obtenir une autorisation avant toute mise sur le marché et à étiqueter leurs produits.
Le jeudi 23 mars, les sénateurs français ont adopté en première lecture le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. Les opposants crient au non-respect du principe de précaution. C’est pourtant au nom de ce principe que la nouvelle loi imposerait des mesures restrictives obligeant les paysans à déclarer les parcelles de plantes transgéniques, à obtenir une autorisation avant toute mise sur le marché et à étiqueter leurs produits. Ce principe implique d’interdire ou de restreindre l’utilisation d’une technologie ou d’un procédé de fabrication tant que ses promoteurs sont incapables d’apporter la preuve de son innocuité pour l’environnement ou les personnes.
Le principe de précaution est cependant mis entre parenthèses pour de nombreuses technologies potentiellement à risques, comme par exemple le téléphone portable. Il y a à cela une excellente raison : son application rigoureuse nécessiterait de priver les consommateurs de biens qu’ils plébiscitent. Pourquoi ne pas dès lors les laisser juger par eux-mêmes des avantages et inconvénients des OGM ?
En moins d’une décennie le téléphone portable est devenu un bien de consommation courante, notamment grâce à l’ouverture de la téléphonie mobile à la concurrence et à d’énormes avancées technologiques. Cependant, quelques voix ont dénoncé deux dangers menaçant les utilisateurs : d’une part, les ondes émises par les téléphones lors d’une communication et d’autre part le rayonnement électromagnétique des antennes de transmission qui ont été installées un peu partout pour assurer une large couverture du territoire. Dans les deux cas, on s’interroge sur les effets négatifs de cette technologie sur la santé humaine.
À ce stade, l’application stricte du principe de précaution aurait dû conduire les autorités des différents pays à restreindre sévèrement l’utilisation des GSM. En effet, bien qu’il soit impossible aux détracteurs de cette technologie de prouver la nocivité des rayonnements, ses promoteurs sont tout aussi incapables d’en démontrer l’innocuité. Pourquoi ? Parce que les pathologies que l’utilisation d’un mobile ou l’exposition au rayonnement des grandes antennes pourraient causer mettent de nombreuses années avant d’apparaître. Il est de plus très difficile de concevoir des protocoles de test permettant d’établir un lien univoque entre ces pathologies et la technologie en question. Pourtant, cela n’a pas conduit à la mise en place d’une législation contraignante.
Nous pouvons dès lors nous interroger : qu’est-ce qui justifie aux yeux du public et des autorités de ne pas appliquer le principe de précaution au cas du GSM ?
L’explication la plus plausible de ce traitement de faveur est probablement l’incroyable popularité du produit incriminé. Imagineriez-vous un instant vous passer de votre portable pendant plus de quelques jours ? Cette popularité suggère un raisonnement de nature différente: chacun compare les avantages de l’utilisation d’une technologie (ici, le GSM) à ses inconvénients, alors que le principe de précaution nous invite à ignorer les avantages. Par inconvénients, on peut entendre les effets adverses sur la santé et le coût que le traitement de problèmes de santé représente. Le consommateur est donc amené à comparer les bénéfices apportés par l’utilisation du GSM dans sa vie quotidienne avec les inconvénients – jusqu’ici peu probables, puisque non démontrés scientifiquement – qu’elle peut entraîner. Le succès du GSM montre que pour ses utilisateurs, la balance penche du côté des bénéfices.
Puisque les décisions des consommateurs sont ainsi déterminées, les fabricants de téléphones mobiles et les exploitants de réseaux ont tout intérêt, dans la mesure où la concurrence joue, à maintenir le rapport coût-bénéfice à leur avantage. Ils travaillent donc à augmenter les bénéfices du GSM pour les utilisateurs en leur ajoutant sans cesse de nouvelles fonctionnalités. Simultanément, ils s’appliquent à limiter les risques supposés de son utilisation. Ainsi, les appareils ont peu à peu évolué de façon à ce que les ondes émises lors d’une communication soient dirigées majoritairement à l’opposé du cerveau de l’utilisateur. De cette façon, et même si la nocivité du rayonnement n’est pas prouvée, les risques sont significativement réduits.
Mais si la vente libre permet de bénéficier d’une nouvelle technologie tout en en réduisant les risques, pourquoi les OGM devraient-ils faire exception? Qu’est-ce qui justifie un traitement différent ? Peut-être les bénéfices des OGM sont-ils trop éloignés du quotidien du citoyen pour être perceptibles ? L’application du principe de précaution restreint en effet les possibilités de comparer les avantages et les inconvénients des OGM. Face aux risques potentiels des biotechnologies, l’augmentation du rendement des exploitations agricoles, l’éradication de certaines maladies des céréales ou l’emploi de moindres quantités de pesticides et de fongicides et leur effet sur le prix de l’alimentation ne méritent-ils pas d’être soumis au verdict du consommateur?
Frédéric Wauters, Institut Economique Molinari