Notes et baromètres

Les effets économiques de la politique des « prix de référence » des médicaments en Allemagne

Cahier de recherche / Décembre 2006

Résumé

Les pouvoirs publics en Allemagne, à l’image de la plupart des pays de l’OCDE, ont mis en place des régimes obligatoires d' »assurance maladie » voulant offrir une couverture universelle et des soins quasi-gratuits à la population. Ces systèmes obligatoires sont devenus une source incontrôlable de dépenses en santé et en médicaments qui ont augmenté considérablement durant les dernières décennies.

La politique de « prix de référence » (PR) pour les médicaments représente l’un des moyens, utilisés par les pouvoirs publics pour réduire les coûts de l’assurance publique. Cette politique de PR semble être de plus en plus à la mode. Alors qu’elle a été formellement instaurée pour la première fois en 1989 en Allemagne, d’autres pays ont également adopté la politique de PR. Par exemple, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande l’ont instaurée respectivement en 1991 et 1993. La France, l’Italie, l’Espagne, le Danemark, l’Australie, la province de la Colombie-Britannique (Canada), entre autres, ont également recours de manière plus ou moins poussée au système de PR.

L’idée de base sur laquelle repose les politiques de RP est relativement simple. Des médicaments, jugés interchangeables par un assureur, sont classés dans des groupes thérapeutiques et un remboursement plafonné est unilatéralement appliqué pour chaque groupe, généralement équivalent au prix le plus bas ou au prix médian dans celui-ci.

Il est donc possible de créer des groupes contenant uniquement des médicaments bioéquivalents (i.e. contenant la même substance active ; c’est le système de prix de référence de type 1). Mais le système de PR à l’image de celui en Allemagne va au-delà par la mise en commun de médicaments qui ne sont pas bioéquivalents, du moment que ceux-ci sont jugés ayant des effets thérapeutiques similaires. Ainsi, il y a des groupes avec des médicaments qui sont chimiquement ou pharmacologiquement similaires (système de PR de type 2) et des groupes avec des médicaments qui peuvent être chimiquement complètement différents, mais qui sont utilisés pour soigner les mêmes symptômes (RP de type 3). Les médicaments brevetés peuvent par conséquent se retrouver soumis au système de PR de type 2 et de type 3.

Une étude approfondie du contexte allemand montre que le système de PR a plusieurs effets.

Premièrement, dans le domaine de l’assurance, en mettant l’accent sur la réduction des coûts, le système de PR permet aux caisses de maladie de réaliser des économies liées à l’usage des médicaments. Cependant, une telle politique présente aussi des inconvénients. Par exemple, elle aboutit à une couverture limitée pour certains médicaments et elle correspond à une classification bureaucratique des différents groupes de médicaments qui sont considérés comme substituables, même si les patients peuvent ne pas les considérer comme tels. Dans une telle situation, la libre concurrence entre assureurs et la liberté de choix pour les assurés – actuellement absentes en Allemagne – sont les seules qui puissent indiquer si, et dans quelles conditions, une politique de PR peut effectivement apporter de la valeur ajoutée aux yeux des patients.

Deuxièmement, une politique de PR comme celle en Allemagne a un effet indirect sur l’innovation pharmaceutique en discriminant contre les nouveaux médicaments. Les médicaments représentant des innovations graduelles – qui sont bureaucratiquement classés dans les mêmes groupes que les vieux médicaments ou les médicaments génériques – sont particulièrement pénalisés. Une telle classification bureaucratique tend cependant à ignorer le fait que l’innovation pharmaceutique – à l’image du processus d’innovation dans les autres domaines – reste par nature un processus graduel et ses résultats doivent être évalués ultimement par les bénéficiaires des nouveaux médicaments, i.e. les patients / assurés. La politique de PR à l’image de celle en Allemagne finit ainsi par pénaliser le processus d’innovation lui-même sans que ses bénéficiaires aient l’opportunité d’approuver ou pas une telle politique.

Dans leurs efforts de contenir les coûts, les gouvernements utilisant la politique de PR diminuent de fait les incitations à investir en R&D pour mettre au point de nouveaux médicaments. Dans un contexte d’assurance maladie obligatoire, de telles mesures peuvent facilement aller à l’encontre des préférences des patients et des assurés qui attendent de nouveaux traitements innovants et sont susceptibles de payer pour eux.

Afin d’avoir des dépenses optimales en médicaments – celles que veulent bien payer les patients directement de leur poche ou indirectement à travers leur assureur, reconnaissant la valeur ajoutée potentielle des nouveaux médicaments – il faudrait in fine remettre en cause les monopoles publics d’assurance maladie et envisager de laisser davantage de place aux choix individuels.

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