Après la Suède, la Finlande et le Royaume-Uni, mettons un terme au monopole postal!
Article publié par Le Temps le 6 mars 2007.
A l’heure de la correspondance par emails et des communications sans fil, la plupart des États en Europe continuent de garder un monopole légal sur une partie importante de notre courrier.
A l’heure de la correspondance par emails et des communications sans fil, la plupart des États en Europe continuent de garder un monopole légal sur une partie importante de notre courrier.
Hors de l’Union Européenne (UE), la Suisse maintient un monopole sur les envois de moins de 100 grammes. C’est le cas aussi de plusieurs pays de l’UE. En France, par exemple, l’opérateur historique (La Poste), demeure grâce à la réglementation protégé de la concurrence pour le courrier ordinaire.
Ce monopole qui remonte dans certains pays à plusieurs siècles est de plus en plus remis en cause. Il l’est d’abord par l’existence des nouveaux moyens de communication. Avec le fax, il est devenu possible d’échapper en partie au monopole postal. Aujourd’hui, les emails nous permettent à leur tour de communiquer facilement tout en évitant des monopoles publics parfois en grève.
A cette pression s’ajoute celle des instances communautaires. Depuis 2003, il est possible de concurrencer les opérateurs historiques pour les envois de plus de 100 grammes dans les Etats membres. Depuis le début de 2006, cette possibilité a été étendue au courrier de plus de 50 grammes. Une récente proposition de la Commission européenne prône enfin l’ouverture de la totalité du marché postal d’ici 2009.
Plusieurs pays, à l’image de la France, ont beaucoup de mal à abandonner leur monopole sur le courrier ordinaire. Ils vont donc probablement s’opposer à cette proposition qui doit encore être ratifiée par les États membres et approuvée par le Parlement européen.
L’argument principal mis en avant est que le monopole serait indispensable pour assurer un service postal universel, surtout dans les endroits les plus reculés du pays. A l’heure actuelle, avec un tarif unique, comme c’est le cas en France, certains usagers de La Poste sont obligés de payer plus cher leurs envois que ce que cela ne coûte au monopole, subventionnant in fine le courrier d’autres usagers qui bénéficient d’un tarif inférieur au coût de son acheminement.
Ouvrir un tel système à la concurrence déboucherait sur une concurrence accrue dans les « niches » rentables, laissant les secteurs « non rentables » à l’opérateur historique. Cette concurrence empêcherait ce dernier de pratiquer des subventions croisées, menaçant donc par la même occasion le financement du service postal universel.
Le concept d’un tarif unique pour le service postal sur tout le territoire d’un pays mérite certainement lui-même d’être remis en cause. Après tout quand vous prenez le train, votre billet varie généralement en fonction de la distance et des coûts pour desservir votre destination. En quoi cela serait-il différent quand votre courrier voyage plutôt que vous?
En plus, il n’est jamais bon d’un point de vue économique de cacher les véritables coûts d’un service à certains clients, causant inévitablement des gaspillages de ressources rares dans son utilisation. Il n’est pas bon non plus d’augmenter artificiellement les coûts de certains clients, notamment les clients d’affaire, au risque de pénaliser de nombreuses entreprises dont les envois postaux représentent près de 90% de tout le courrier envoyé. Cela affecte indiscutablement leur compétitivité face à des concurrents qui peuvent profiter de la concurrence postale, de services plus adaptés et de prix plus bas.
Mais, en réalité, le service postal universel ne justifie pas pour autant qu’il faille garder le monopole. Des pays comme la Finlande, la Suède ou le Royaume Uni – qui gardent un service universel – ont aboli leur monopole postal.
Il reste évidemment possible de financer la desserte des régions reculées par des aides directes de l’Etat – si jamais cela est jugé indispensable – pour couvrir une partie des coûts des opérateurs qui l’assurent. Les pouvoirs publics peuvent aussi passer des appels d’offres, faisant jouer la concurrence entre les différents opérateurs postaux, au lieu d’être obligés de transiger avec le monopole postal.
En cas de flexibilité des tarifs, il est bien sûr possible d’aider directement les utilisateurs habitant dans les régions éloignées. En bout de ligne, il n’y pas que les coûts postaux qui y sont généralement plus élevés, mais les coûts du transport de bien d’autres marchandises, comme les produits alimentaires. Pourtant on ne prétend pas qu’il faille instaurer un monopole national dans la distribution de ces produits. Pourquoi la situation serait-elle fondamentalement différente avec le courrier ?
Mais au-delà des questions de service universel, il ne faut pas oublier les bénéfices de l’ouverture à la concurrence.
Grâce à elle les opérateurs postaux sont davantage incités à innover dans le tri et l’acheminement du courrier, à adapter leurs produits et à offrir des services à moindre coût. De nouveaux réseaux plus flexibles – à l’image des chaînes d’alimentation, des stations de service ou des bureaux de tabac – peuvent ainsi servir pour la réception ou l’envoi de colis avec des heures d’ouverture allongées au profit des consommateurs. Plusieurs collectes du courrier par jour peuvent également être mises en place pour des clients d’affaire qui demandent un tel service. Bref, la concurrence ici comme ailleurs pousse les fournisseurs à satisfaire au mieux les besoins des consommateurs.
Le résultat dans les pays européens qui ont supprimé le monopole est, dixit la Commission européenne, que « les services postaux sont désormais plus efficaces et fiables, et qu’ils satisfont les besoins de la population et des entreprises ».
En bout de ligne, ce sont les consommateurs qui seront les grands gagnants d’une totale ouverture du marché. Mais cette ouverture permettra certainement aussi au service postal de s’adapter et de se développer face aux autres moyens modernes de communication. Comme dans la téléphonie, on peut penser que la liberté d’entreprendre stimulera l’innovation des entrepreneurs dans ce secteur aussi.
Valentin Petkantchin, Institut économique Molinari