« L’OPA discipline les dirigeants d’entreprise »
Cette interview de Noël Labelle avec Cécile Philippe a été publiée dans Le Quotidien du Luxembourg du 26 juin 2007.
Le pouvoir politique avait-il à intervenir dans cette opération? Non. En rendant plus difficile le rachat des entreprises, le pouvoir politique nuit au processus de transfert de la propriété et du contrôle du capital dans des mains plus expertes.
Le Quotidien : L’an dernier, l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor a été très mal accueillie. Tant par les dirigeants du groupe Arcelor que par le pouvoir politique. Les OPA sont-elles vraiment un danger?
Cécile Philippe : Non. Je dirais même que sur le marché, les offres publiques d’achat ont un rôle extrêmement important à jouer. Et la vive polémique qui a entouré cette OPA n’a fait qu’obscurcir le débat. C’est dommage.
LQ : Comment définiriez-vous ce « rôle important » des OPA?
C. P. : C’est simple : les OPA sont un outil indispensable pour discipliner les dirigeants d’entreprise. Les grandes entreprises rassemblent différentes unités, branches ou départements dont certaines peuvent être plus profitables que d’autres. Il revient alors aux managers d’identifier les branches rentables de celles qui ne le sont pas. S’ils faillissent à cette tâche, ils risquent de mettre fin à leur emploi en étant rattrapé par un concurrent qui aura su discerner les problèmes et ne tolérera pas qu’ils subsistent.
LQ : C’est ce qui s’est passé avec Arcelor?
C. P. : Oui. En faisant connaître publiquement aux actionnaires d’Arcelor son souhait d’acquérir leurs titres, M. Mittal a révélé au marché qu’il pensait connaître des recettes plus efficaces pour gérer Arcelor. Par conséquent, on a ainsi appris que les anciens dirigeants de la société ne géraient pas nécessairement l’entreprise de la façon la plus rentable. Lakshmi Mittal est l’un des acteurs les plus dynamiques dans le secteur de l’acier. À plusieurs reprises, il a montré sa capacité à innover. Il n’a jamais hésité à investir là où les autres sidérurgistes n’allaient pas. Ses prouesses dans le domaine de la sidérurgie et son intérêt pour Arcelor pouvaient laisser penser qu’il avait aussi trouvé dans le cas de cette entreprise des méthodes innovantes de management capables d’améliorer la rentabilité de l’entreprise.
LQ : Le pouvoir politique avait-il à intervenir dans cette opération?
C. P. : Non. En rendant plus difficile le rachat des entreprises, le pouvoir politique nuit au processus de transfert de la propriété et du contrôle du capital dans des mains plus expertes. Ce processus est peut-être redouté par les personnes en place, mais il est toujours favorable aux actionnaires et au plus grand nombre des consommateurs.