ISF : le France sera-t-elle bientôt seule en Europe ?
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
La suppression de la taxation du patrimoine (sur le modèle de l’ISF) est un mouvement général en Europe depuis plusieurs années. La France reste, à cet égard, l’un des seuls pays de l’Union Européenne à maintenir un tel impôt.
Le premier ministre espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero est formel : si son parti, le Parti Socialiste, remporte les élections législatives de mars prochain, il supprimera l’impôt sur le patrimoine (ISP). Ceci peut apparaître étonnant de la part de l’un des plus éminents responsables socialistes en Europe, lorsque l’on sait que l’ISP est l’équivalent de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) français. En réalité, il n’en est rien. La suppression de la taxation du patrimoine (sur le modèle de l’ISF) est un mouvement général en Europe depuis plusieurs années. La France reste, à cet égard, l’un des seuls pays de l’Union Européenne à maintenir un tel impôt.
Bien que certaines formes de taxation du patrimoine aient été mises en place dès la fin du XIX° siècle, essentiellement en Allemagne et aux Pays-Bas, c’est dans les années 1970 qu’un grand nombre de pays européens adoptent de tels impôts. En France, l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) est créé en 1982 par le gouvernement de Pierre Mauroy. Supprimé en 1987 par Jacques Chirac, alors premier ministre, il est recréé en 1989 sous le nom d’impôt de solidarité sur la fortune. Il vient s’ajouter aux autres impôts frappant le patrimoine : droits de succession, droits de mutation, taxe foncière, par exemple.
L’imposition de la fortune présente cependant des conséquences négatives. La plus visible d’entre elles est la fuite des capitaux. Les patrimoines les plus élevés migrent des pays où ils sont les plus fortement imposés vers ceux où ils ne sont pas, ou peu, imposés. C’est ainsi que de nombreuses fortunes françaises sont allées s’installer en Belgique. S’il est très difficile d’évaluer le montant de cette fuite des capitaux, Bercy avance une hypothèse basse de 100 milliards d’euros.
Conscients des tristes effets de l’imposition des fortunes, de nombreux gouvernements européens l’ont supprimée, parfois très peu de temps après leur adoption. D’autres, comme la Belgique ou le Royaume-Uni, n’ont jamais mis en place d’impôt sur la fortune. Hors de l’Union Européenne, le Japon a été un des premiers à le faire disparaître, en 1950. Au sein de l’Union, un mouvement de suppression a commencé au début des années 1990. L’Autriche a été la première en 1994.
L’exemple allemand est tout à fait frappant. En 1995, la Cour de Karlsruhe – l’équivalent du Conseil Constitutionnel français – déclare inconstitutionnelle l’imposition des fortunes. Chargée de veiller au respect de la Loi Fondamentale (Constitution allemande), elle a estimé qu’il n’était pas possible de taxer un patrimoine qui ne génère pas de revenus, au motif que cela porterait atteinte au droit de propriété. Le caractère confiscatoire de l’impôt sur la fortune a donc été considéré comme incompatible avec la Constitution allemande. Il a été supprimé deux ans plus tard, en 1997.
En mars dernier, ce fut au tour du premier ministre suédois d’annoncer sa volonté de supprimer l’impôt sur la fortune dans son pays avec pour objectif de « favoriser l’investissement et l’emploi ». Pour le ministre des Finances, Anders Borg, il ne s’agissait alors que d’une mesure de bon sens : « On ne peut pas maintenir un tel impôt si on veut que l’argent reste en Suède ». Réaffirmée en octobre, cette proposition devrait figurer au budget présenté au printemps prochain.
Un mouvement favorable à la suppression de l’impôt sur la fortune traverse l’Europe depuis une quinzaine d’années. En Espagne, tant le Parti Socialiste que le Parti Populaire semblent donc prêts à supprimer l’impôt sur la fortune. Le pays rejoindrait ainsi l’Irlande, l’Italie, l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Finlande qui ont déjà fait de même. La Grèce et la France seraient dès lors seules, dans l’Union Européenne, à maintenir cet impôt, en dépit des conséquences néfastes qu’un nombre croissant d’analyses s’accorde à lui attribuer.
Guillaume Vuillemey, chercheur associé, Institut économique Molinari