Une Europe plus verte pour seulement trois euros par semaine ?
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
La lutte contre le réchauffement climatique, clame José Manuel Barroso, ne coûtera que trois euros par semaine au citoyen d’ici 2020. Pas de quoi fouetter un chat, penseront certains. Le citoyen aurait pourtant trois bonnes raisons de s’inquiéter.
Quelques semaines avant le discours de José Manuel Barroso sur la politique européenne de réduction des émissions de CO2, une campagne publicitaire battait son plein dans la presse écrite et télévisée belge. Sur un fond jaune criard, plusieurs personnages, cheveux dressés sur la tête, prenaient un air étonné tandis qu’un slogan accrocheur leur promettait un crédit logement « pour seulement 100€ par mois ».
La plupart accueillirent la proposition avec scepticisme. Quel était le coût exact de l’offre ? À quelles conditions était-elle soumise ? Il leur suffisait d’un peu de perspicacité et d’une machine à calculer pour comprendre que l’offre ne différait guère de ce qui existait déjà sur le marché. Mais si le consommateur n’hésite pas à calculer et à comparer, pourquoi perd-il cet instinct dès qu’il se mue en citoyen ?
Les dernières interventions de Monsieur Barroso auraient pourtant de quoi lui mettre la puce à l’oreille. « La lutte contre le réchauffement climatique, clame-t-il, ne coûtera que trois euros par semaine au citoyen d’ici 2020 ». Mine de rien, cela signifie douze euros par mois. Placés sur un compte d’épargne avec un taux annuel de 3 %, ces douze euros rapporteraient environ 2080 € en 2020. Pas de quoi fouetter un chat, si c’est pour « sauver la planète », penseront certains. Le citoyen aurait pourtant trois bonnes raisons de s’inquiéter.
La première est la nature des mesures proposées. Rien n’est officiellement confirmé par la Commission en dehors des deux objectifs généraux : 20 % de réduction des émissions de CO2 par rapport à leur niveau de 1990 et 20 % de l’électricité produite grâce aux énergies renouvelables. Ce sera en revanche aux États membres de définir les moyens d’atteindre leurs objectifs, modulés pour chaque État. La Commission et les États membres ont aussi convenu d’amendes à infliger aux « mauvais élèves » qui ne respecteraient pas leurs objectifs.
Mais si le passé, et en particulier le fameux « pacte européen de stabilité », nous a enseigné quelque chose, c’est bien la légèreté avec laquelle les États peuvent rompre leurs engagements – sanctions ou pas – dès lors que la croissance économique est en jeu. Or, les mesures proposées par la Commission auront précisément pour effet de réduire la croissance.
Deuxièmement, supposons un instant que ces objectifs de réduction d’émission de CO2 soient atteints. Quels bénéfices en retirerait le consommateur ? La Commission se base, dit-elle, sur « des chiffres irréfutables qui indiquent que le coût pour le citoyen sera bien pire en cas d’inaction » (« achetez maintenant ou vous le regretterez plus tard ! »). Mais en tout état de cause, il s’agit de prévisions sur les prochaines décennies et les chiffres ne peuvent donc être irréfutables, compte tenu la complexité des phénomènes climatiques et socio-économiques. En clair, le citoyen est loin de savoir exactement ce qu’il achète pour ses 3 euros par semaine.
Reste enfin la question du coût. D’où Monsieur Barroso tire-t-il ces « trois euros par semaine » qu’il fait miroiter ? Le coût total de la mesure, d’après les communiqués de la Commission est estimé en pourcentage du PIB des prochaines années. Nous pouvons donc en déduire que les technocrates ont, pour chaque année d’ici 2020, construit une estimation du PIB et appliqué à celle-ci un pourcentage ; qu’ils ont fait la somme des chiffres annuels pour la diviser ensuite par le nombre d’années et la population totale. Aucune précision sur la manière dont l’estimation du coût annuel a été construite, ni sur la fiabilité des prévisions du PIB.
Plus grave, les « chiffres » présentés ne permettent pas de savoir comment l’effort fourni sera étalé dans le temps : doit-on prévoir des premières années plus « difficiles » à cause des investissements de départ, ou bien la charge sera-t-elle équitablement partagée sur les douze années ? Par comparaison, le « crédit logement à 100€ par mois » semble un modèle de transparence !
Pour conclure, traçons un dernier et édifiant parallèle. Lorsqu’un consommateur compare différentes possibilités de crédit, il prend soin d’évaluer le coût total de chaque formule. Pour cela, il lui suffit de calculer la différence entre ce qu’il aura remboursé à la fin de son emprunt et la somme empruntée. Appliquons ce raisonnement à la « proposition » de la Commission : 3 euros hebdomadaires, multipliés par 52 (le nombre de semaines dans une année) et par 490 millions (la population de l’union) devrait nous donner un coût annuel de plus de 76 milliards d’euros, soit environ 60 % du budget actuel annuel de l’UE ! M. Barroso, quand on le presse d’avancer un chiffre, prétend que le coût sera de 60 milliards d’euros. Que croire ? Et quoi qu’il en soit, sommes-nous prêt à payer 60 ou 76 milliards par an pour un plan dont nous ignorons les détails, les bénéfices supposés et, plus grave encore, la manière dont chacun devra supporter sa part ?
Frédéric Wauters, chercheur associé, Institut économique Molinari