Et si le manque de courage n’était pas là où on le croit !
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Le tout récent projet de loi sur les OGM a été alimenté par des propositions inspirées par le Grenelle de l’environnement. Ce projet de loi, s’il n’interdit pas purement et simplement les OGM, en encadre néanmoins sévèrement l’utilisation par un processus d’autorisation administratif, lourd et possiblement arbitraire.
Il aura fallu l’ingéniosité et le courage d’un certain Antoine Augustin Parmentier pour améliorer la popularité de la pomme de terre au XVIIIème siècle et vaincre les suspicions à leur égard. Le tubercule était en effet accusé d’être dangereux et empoisonné. De nos jours, les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont remplacé la pomme de terre et nombreux sont ceux qui craignent leurs effets nocifs sur la santé humaine, l’environnement, etc. Le gouvernement français, sommé de transposer une directive européenne de 2001 sur ces organismes, a cependant dû trancher et les Français ont aujourd’hui une loi qui encadre la culture, la commercialisation et l’utilisation des OGM. Cependant, fruit du Grenelle de l’environnement, ce texte consacre l’approche précautionniste plutôt que celle d’un Parmentier !
Le tout récent projet de loi sur les OGM – objet de débats parfois « violents » à l’Assemblée Nationale et au Sénat – a été alimenté par des propositions inspirées par le Grenelle de l’environnement, événement phare du début de la présidence de Sarkozy. Ce Grenelle a touché à des domaines aussi variés que le bâtiment, le transport, la gestion des forêts, l’eau, etc. et a consacré une approche précautionniste.
Ainsi, ce projet de loi, s’il n’interdit pas purement et simplement les OGM, en encadre néanmoins sévèrement l’utilisation par un processus d’autorisation administratif, lourd et possiblement arbitraire. On aurait pu espérer que les nouveaux décideurs politiques fassent preuve d’audace mais ils ont au contraire préféré l’attitude précautionniste qui ne nous laisse profiter qu’au compte goutte des bénéfices potentiels et réels des OGM.
On ne nous parle en général qu’en termes très négatifs des OGM alors que certains d’entre eux sont déjà consommés depuis une quinzaine d’années et n’ont pas provoquer de crise alimentaire ou environnementale. On oublie ainsi presque systématiquement de parler de leurs bénéfices, dont celui de pouvoir jouer un rôle majeur dans l’alimentation des neuf milliards d’êtres humains qui peupleront la terre au milieu de notre siècle.
Les émeutes récentes liées à la hausse des prix des produits agricoles nous rappellent que l’alimentation quotidienne reste un problème pour des millions d’individus et qu’il n’est pas sans conséquence de se priver de nouvelles technologies capables notamment d’augmenter la productivité agricole. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Jesse Ausubel de la Rockefeller University que si les gains de productivité se maintiennent à 1,8 % par an à l’échelle du globe au cours des prochaines décennies, les 9 milliards d’individus en 2050 seront mieux nourris que la population actuelle (plus de six milliards d’individus) tout en requérant 200 millions d’hectares de terres agricoles de moins.
Sans résoudre tous les problèmes, les OGM offrent néanmoins des solutions à la malnutrition (rie doré, riz hypoallergénique), à la forte utilisation de pesticides, à la sécheresse ou à l’acidité des sols. Les applications industrielles des OGM permettent aussi de limiter les déchets et d’améliorer la productivité de nombreuses activités comme la chimie fine, l’agro-alimentaire, le traitement des fibres ou l’énergie.
S’il peut à première vue paraître rationnel d’interdire des activités risquées parce qu’on élimine ainsi les conséquences fâcheuses qu’ils pourraient avoir, c’est qu’on oublie qu’en refusant les biotechnologies, on se prive aussi de solutions pour survivre et vivre mieux. La précaution n’est pas forcément de bon conseil, surtout lorsque l’on sait que les comportements responsables n’ont pas besoin d’une nouvelle loi mais plutôt qu’on applique celle qui existe déjà dans le code civil français avec l’article 1382 et qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
Le courage n’est-il pas de revenir à des principes simples de responsabilité qui sans empêcher l’innovation, l’encadrent de sorte que les acteurs ont intérêt à adopter des comportements vertueux, notamment celui de ne pas contaminer le champ du voisin ? Le Grenelle de l’environnement a organisé les débats sous le signe de la précaution mais il est encore temps de placer l’action gouvernementale sous le signe de l’innovation, de la responsabilité et des Parmentiers en tout genre.
Cécile Philippe, directeur général, Institut économique Molinari