La concurrence sur le marché postal est une chance pour les consommateurs suisses
Article publié par l’Agefi le jeudi 29 mai 2008.
Les consommateurs suisses seraient les premières victimes de la signature d’une convention collective spécifique au secteur postal. Ils ne pourraient pas bénéficier des services moins chers et de meilleure qualité que les nouveaux entrants pourraient leur proposer.
L’ouverture à la concurrence du marché postal suisse suscite certaines craintes. La Poste doit perdre dès avril 2009 son monopole sur le marché des plis d’un poids compris entre 50 et 100 grammes, et en 2012 sur le marché des lettres de moins de 50 grammes. L’ensemble du marché postal sera alors ouvert à la concurrence. Ce processus fait naître des inquiétudes, par exemple au sein du syndicat Transfair, qui prédit des prix plus élevés ou des conditions de travail dégradées. En réalité, la libéralisation du marché postal peut être une grande chance pour les consommateurs, à condition que des barrières à l’entrée artificielles – notamment sociales – ne soient pas créées ou maintenues.
La concurrence est une incitation pour les entreprises à innover et à servir au mieux les consommateurs. Ceux-ci – entreprises comme particuliers – pourront donc potentiellement bénéficier à l’avenir de tarifs plus faibles ou de services de qualité supérieure. C’est ainsi que l’on peut s’attendre à des levées plus fréquentes, à des livraisons plus rapides, ou à la création de nouveaux services. En Suède, la libéralisation du marché postal en 1993 a permis de rationaliser la gestion, de moderniser les services, alors que les tarifs sont restés dans la moyenne européenne.
En France, la mise en concurrence existante ou à venir a poussé le monopole postal à se réformer pour améliorer ses performances. Le taux de livraison à J+1 pour les lettres prioritaires est par exemple passé de 65.7 % à 82.5 % entre 2003 et 2007.
Néanmoins, pour que la concurrence puisse apporter l’ensemble de ses effets bénéfiques, de nouvelles entreprises doivent pouvoir entrer librement sur le marché postal. À cet égard, certaines législations sociales peuvent agir comme des barrières à l’entrée. C’est le cas des conventions collectives qui peuvent contribuer à augmenter le coût du travail pour les entreprises, compromettant dès lors leur rentabilité et leur capacité même à entrer sur le marché.
Le syndicat Transfair souhaite que la loi impose une telle disposition, applicable à l’ensemble du secteur postal. Elle viserait à donner un statut uniforme aux postiers de l’ensemble du pays. Mais elle menacerait aussi la rentabilité de certains concurrents potentiels, créant ainsi une barrière à l’entrée artificielle sur le marché postal. Parler de « libéralisation » ou d’« ouverture à la concurrence » n’aurait dès lors plus beaucoup de sens.
Le cas de l’Allemagne permet de s’en rendre compte. L’ensemble du marché postal de ce pays devait être libéralisé au début de l’année 2008. Mais l’instauration en décembre 2007 d’un salaire minimum dans ce seul secteur a agi comme une mesure protégeant l’ancien monopole, Deutsche Post, de la concurrence. Une entreprise comme Pin Group n’a pas été en mesure de supporter le coût de cette nouvelle législation et a dû supprimer en quelques mois plus de la moitié de ses effectifs, soit environ 5760 emplois. La menace est donc bien réelle.
Les consommateurs suisses seraient les premières victimes de la signature d’une convention collective spécifique au secteur postal. Ils ne pourraient pas bénéficier des services moins chers et de meilleure qualité que les nouveaux entrants pourraient leur proposer. Quant aux concurrents potentiels, ils pourraient être amenés à licencier ou à ne pas embaucher les salariés qu’ils avaient prévu de recruter.
Guillaume Vuillemey, chercheur associé, Institut économique Molinari