Risques et obstacles pour les entreprises innovantes en Europe
Cahier de recherche / Octobre 2008
Ce Cahier de recherche a pour objectif d’attirer l’attention sur le côté risqué de l’innovation et sur les effets négatifs que certaines politiques publiques, mises en place pour différentes raisons, ont sur celle-ci. En effet, plusieurs réglementations pénalisent les entreprises innovantes directement ou indirectement, en dépit de l’accent qui a été mis par les instances communautaires sur l’innovation depuis la stratégie de Lisbonne en 2000.
Une première partie du Cahier est ainsi consacrée au fait que les entreprises font face à plusieurs risques. Il existe d’abord un risque technologique : en dépit des ressources considérables, les entreprises innovantes ne sont jamais à l’abri de l’échec. Par exemple, après l’investissement de plusieurs millions d’euros sur plusieurs années, de nouvelles molécules peuvent ne pas déboucher sur des médicaments commercialisables malgré les efforts des laboratoires pour les mettre au point. Il y a un risque commercial ensuite : les nouveaux produits, en dépit des promesses qu’ils laissent entrevoir, peuvent ne pas présenter une valeur ajoutée pour les consommateurs. Ils sont alors une source de pertes pour les entreprises innovantes qui ne peuvent pas récupérer leurs investissements en R&D. L’ensemble de ces risques explique que sur le marché les profits des entreprises innovantes peuvent naturellement paraître plus élevés d’un simple point de vue comptable.
Une deuxième section du Cahier est consacrée aux obstacles réglementaires qui ont été mis en place en Europe, empêchant le libre accès des nouveaux produits au marché sous le prétexte de protéger les consommateurs. Sous la pression du « principe de précaution » et de ce qu’on pourrait appeler la culture du « risque zéro », des procédures administratives d’autorisation ont été mises en place dans plusieurs secteurs. Les obstacles à l’accès au marché des produits pharmaceutiques et des substances chimiques (avec la directive REACH en Europe) sont analysés. En inversant la charge de la preuve qu’un nouveau produit est sans risques potentiels, ces procédures s’avèrent in fine hostiles à l’innovation mettant « sur les épaules » des entreprises innovantes un fardeau bien plus important que celui dicté par la prudence et le respect des droits de propriété dans une économie de marché.
Enfin, dans une troisième partie, le Cahier analyse deux autres politiques publiques qui sont défavorables à l’innovation et qui s’appliquent une fois que les nouveaux produits ont été commercialisés sur le marché.
C’est le cas de la politique de maîtrise des dépenses de santé, appliquée aux produits pharmaceutiques sous des formes différentes dans les pays européens (contrôles de prix, bureaucratisation dans l’utilisation des médicaments, restrictions quantitatives, etc.). La perspective de voir les prix de ses futurs produits soumis à des contrôles à la baisse de plus en plus stricts, et de devoir négocier les prix avec des administrations dont la priorité est la maîtrise comptable des coûts, est un risque supplémentaire important pour les entreprises innovantes dans ce secteur. Cela contribue inévitablement à augmenter l’incertitude qui entoure l’innovation. L’intérêt de poursuivre cette dernière s’en trouve forcément diminué.
Le deuxième cas étudié dans le Cahier est celui de la politique anti-trust en Europe. À cause de leur caractère novateur et d’une meilleure satisfaction des consommateurs, les entreprises innovantes sont plébiscitées par ces derniers et peuvent ainsi atteindre une « position dominante ». Cependant, ne tenant pas compte de l’origine de la « dominance » des entreprises sur le marché – qui peut naturellement provenir des efforts d’innovation – la politique anti-trust, par sa simple présence et par les sanctions qu’elle leur impose, est défavorable à l’innovation. Les exemples présentés concernent des secteurs aussi différents que celui de l’informatique, des logiciels et de l’Internet (Microsoft, Intel, Google, entre autres), des télécommunications ou, une fois de plus, celui des produits pharmaceutiques.
Le Cahier conclut qu’il est d’autant plus important d’analyser tous les effets de ces politiques publiques sur la R&D et l’innovation qu’ils ne sont pas directement perceptibles et qu’il faut plusieurs années, voire des décennies pour que leur impact négatif puisse se manifester pleinement. Les économies européennes et notre niveau de vie ont été bâtis sur les efforts d’innovation d’hier : il faut tâcher de ne pas inverser la tendance en pénalisant l’innovation actuelle et à venir!