Halte à l’étatisation progressive de la médecine libérale !
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Le mode de fixation de la rémunération des médecins est de plus en plus critiqué. Mais la voie actuellement suivie par le gouvernement, à savoir la fixation centralisée et arbitraire des honoraires des praticiens, n’est pas une manière efficace de le réformer.
L’avant-projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2009 prévoit de donner à l’assurance maladie la possibilité de baisser de manière unilatérale les honoraires des médecins dès lors que les dépenses de la branche maladie dérapent. De son côté, la Cour des Comptes a publié un rapport mettant en cause les revalorisations d’honoraires accordées au cours dernières années aux médecins, les jugeant responsables de la dégradation des comptes de la Sécurité Sociale. En outre, les dépassements d’honoraires sont de plus en plus critiqués, et le gouvernement entend les encadrer davantage.
Ainsi, le mode de fixation de la rémunération des médecins est de plus en plus critiqué. Mais la voie actuellement suivie par le gouvernement, à savoir la fixation centralisée et arbitraire des honoraires des praticiens, n’est pas une manière efficace de le réformer. Si elles étaient adoptées, les mesures envisagées par Roselyne Bachelot pourraient avoir des impacts très négatifs à moyen terme.
Tout d’abord, cette mesure contribuerait à accroître la pénurie de professionnels de santé. En effet, si une telle disposition était confirmée, la profession de médecin libéral se trouverait un peu plus dévalorisée, et les étudiants deviendraient moins enclins à la choisir.
Mais de manière plus fondamentale, cette mesure marque une nouvelle étape dans le processus d’étatisation de la santé en France. C’est pourquoi il convient de la remplacer dans son contexte. L’histoire de la Sécurité Sociale depuis sa création est celle d’une nationalisation progressive des professions de santé libérales. Le Code de la Sécurité Sociale évoque pourtant les « principes déontologiques fondamentaux », qui sont notamment le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, ainsi que la liberté d’installation du médecin. A cela, il convient d’ajouter une quatrième liberté, celle de fixer les honoraires que l’on exige pour une consultation. Depuis la création de la Sécurité Sociale, nous assistons à une réduction progressive de ces libertés, et à l’encadrement de plus en plus minutieux de la pratique médicale libérale par l’État.
C’est ainsi que le choix du médecin par le malade est de plus en plus encadré, entre autres par le mécanisme du médecin traitant. La liberté de prescription est de plus en plus menacée : les médecins se voient assigner des objectifs en matière de médicaments génériques, d’antibiotiques, etc. Quant à la liberté d’installation, le gouvernement Fillon a voulu la supprimer en décembre 2007, mais y a finalement renoncé suite à une grève des internes.
Sauf pour les praticiens dits « en secteur 2 » dont les honoraires sont libres, la rémunération des médecins était jusqu’à présent issue de négociations dites « conventionnelles » entre l’assurance maladie et les représentants de la profession. Dès 2009, elles pourraient dépendre partiellement de la gestion d’un monopole public, la Sécurité Sociale. Le gouvernement Fillon propose donc de franchir un en nouvelle étape dans le processus d’étatisation de la santé en France. En effet, la médecine ne saurait préserver son caractère libéral si l’État peut de manière discrétionnaire fixer et même baisser les honoraires de la profession. Michel Chassang, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français, a eu raison d’insister « C’est le retour du plan Juppé de 1995 qui voulait tout étatiser et mettre les médecins au pas ».
Année après année, les réformes successives de la Sécurité Sociale étouffent la médecine libérale, qui garantit pourtant un niveau élevé de soins en France. Au final, cette nationalisation progressive de l’ensemble de la santé nous conduit vers des systèmes où les soins sont rationnés et les files d’attente très longues.
Guillaume Vuillemey, chercheur, Institut économique Molinari