Des solutions inadaptées pour résoudre la crise !
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
En dépit des interventions massives des gouvernements des deux côtés de l’Atlantique, en dépit d’une bonne volonté et une concertation sans précédent, les marchés financiers n’ont pas pu être stabilisés. Se pose alors la question de savoir si nous allons dans la bonne direction. Les mesures ont-elles été adéquates ? Quelle est leur finalité ?
En dépit des interventions massives des gouvernements des deux côtés de l’Atlantique, en dépit d’une bonne volonté et une concertation sans précédent, les marchés financiers n’ont pas pu être stabilisés. Très prochainement les gouvernements vont probablement être de nouveau sollicités pour des sommes encore plus importantes que celles qui sont en jeu maintenant.
Se pose alors la question de savoir si nous allons dans la bonne direction. Les mesures ont-elles été adéquates ? Quelle est leur finalité ?
Face à ce qu’elles pensent être une crise de liquidité – à savoir une trésorerie insuffisante pour couvrir les engagements pris – les banques centrales ont créé de la monnaie (qui ne leur coûte rien) pour prêter ces sommes aux entreprises en difficultés. Leurs interventions pendant les seize derniers mois n’ont cependant pas su calmer les marchés car la crise est plus profonde.
Elle est en effet structurelle, à savoir que de nombreuses banques ont mal investi leur capital au point que la valeur de leurs avoirs est inférieure à la valeur de leurs obligations, et bien souvent inférieur à la valeur de leurs dettes. Ces entreprises-là sont en banqueroute. Aucun prêt ne changera ce fait.
Sous l’impulsion de l’aggravation de la crise au cours du mois dernier, les gouvernements occidentaux ont alors changé de feuille de route. Ils se sont notamment décidés, non pas à prêter de l’argent aux banques en difficulté, mais à devenir leurs coactionnaires, voire à les nationaliser.
Cette nouvelle stratégie n’est cependant qu’un palliatif à très court terme. À moyen et long terme, elle risque d’aggraver nos problèmes pour au moins quatre raisons.
Premièrement, ces investissements seront, quoiqu’en disent les protagonistes et les bénéficiaires, assez certainement réalisés à fond perdu. L’injection de nouveaux fonds propres évite la banqueroute imminente des firmes concernées, mais leurs opérations ne sont pas pour autant rentables. On peut se demander comment la politique serait soudainement capable de gérer les affaires de plusieurs grandes firmes financières et comment les marchés financiers ne risquent-ils pas de devenir les victimes d’une inefficacité bureaucratique liée à la gestion publique.
Deuxièmement, puisqu’on est dans une crise structurelle, elle ne sera pas limitée aux seuls secteurs bancaires et financiers. S’il y a eu de mauvais investissements à grande échelle, dans des secteurs tels que le marché immobilier (12 % du PIB des États-Unis) et les services financiers (20 %), alors il est inévitable que les pertes de ces secteurs se répercutent ailleurs dans l’économie mondialisée. L’industrie automobile américaine demande déjà à son tour le soutien de l’État, et d’autres sont dans la file d’attente. Comment les gouvernements pourront-ils refuser de les aider après l’avoir fait pour les établissements financiers ?
Pis. Comment empêcher que leurs pertes n’aillent aggraver davantage les difficultés du secteur financier, ce qui nécessiterait de nouvelles subventions à ce dernier ? Apparaît alors un gouffre financier dont les dimensions dépassent de loin les engagements déjà pris. Les 700 milliards de dollars qu’on a votés aux États-Unis, les 500 milliards d’euros qu’on vient de voter en Allemagne ou les 360 milliards d’euros en France ne seront alors qu’un faible début.
Troisièmement, les engagements industriels de l’État risquent de perpétuer, sous prétexte de stabilisation, des entreprises insoutenables. Ces dernières gaspillent et bloquent des ressources rares (travail, capitaux) dont on aurait besoin pour monter de nouvelles entreprises, ou développer des entreprises existantes, profitables. Il en résulterait une prolongation et aggravation de la crise, exactement comme dans les années 1930.
Enfin, les engagements industriels de l’État ont des implications politiques dangereuses. Ils nous mettent sur une pente glissante qui mène vers une prise de contrôle de l’économie par les pouvoirs publics. Dans une telle économie, rappelons-le, la propriété privée des facteurs de production est lettre morte, tandis que tous les choix d’investissement sont politisés et coordonnés par une instance centrale si bien que les risques de mauvaises allocations des ressources se trouvent démultipliés.
Les politiques engagées par les gouvernements occidentaux nous imposent donc un énorme prix, dans le seul but d’atteindre un objectif à très court terme : empêcher que les marchés ne baissent à court terme dans une tendance déflationniste. Mais elles ne pourront transformer les entreprises en faillite en entreprise rentables. A terme, elles risquent en fait de répéter le scénario de la Grande Dépression et nous faire glisser vers une économie centralisée.
J. G. Hülsmann est professeur agrégé d’économie à l’Université d’Angers et chercheur associé à l’Institut économique Molinari.