Combien pèsent 1000 économistes?
Rubrique publiée dans 09_04_06_les_echos_petition.pdf« >Les Échos le 06 avril 2009.
Les chefs d’État du G20 n’avaient pas encore posé pour la photo de famille qu’une lettre ouverte contre le « spectre du protectionnisme » et pour la liberté du commerce était publiée par la Coalition pour le libre-échange (freedomtotrade.org). Elle est « cosignée par plus de 1000 économistes, décideurs publics et autres personnes de premier plan », nous assurait vendredi l’Institut économique Molinari, qui s’associe à cet appel.
Le libre-échange est une affaire bien trop sérieuse et le protectionnisme une menace bien trop grande pour que l’on en traite au fond dans cette rubrique, dont le nom même dit bien qu’on ne s’y prend pas toujours au sérieux. Non, ce qui nous a fait sourire, ou plutôt ce qui a fait sourire Jean-Marc Vittori, qui venait de se replonger dans l’histoire de la grande crise, celle de 1929, pour le grand dossier des « Échos » du 1er avril, c’est une coïncidence historique. « Entre 1929 et 1932, le commerce international s’est effondré de 70 % », comme nous le rappelle la lettre de 2009, « notamment à cause des tarifs douaniers votés aux États-Unis en 1930. » Cette loi américaine porta le nom funeste de deux élus républicains du Congrès d’alors : Smoot et Hawley. Et – voilà la coïncidence – le président Hoover n’y opposa pas son veto malgré une pétition de… 1028 économistes. Force est donc de constater qu’un millier d’économistes d’alors n’arrivèrent pas à enrayer l’engrenage sinistre qui conduisit jusqu’à la guerre. Au cours d’aujourd’hui, 1000 économistes auront-ils plus de poids?
Une première différence majeure entre les deux périodes est que le protectionnisme, revendiqué à l’époque par les décideurs politiques, est aujourd’hui plus souvent une pratique honteuse à laquelle on s’adonne le plus discrètement possible. D’où le fait que la lettre de 2009 se dresse contre un spectre dont on a du mal à cerner les contours. Être plus précis ne ferait peut-être qu’alimenter l’engrenage fatal. L’autre différence considérable entre 1929 et maintenant, c’est qu’entre-temps des milliers d’économistes, de décideurs publics et autres personnes de premier plan – même des journalistes – ont enfoncé le clou et fait prendre conscience de l’absurdité de l’engrenage des années 1930. L’histoire n’est pas forcément obligée de bégayer.