Grippe A : un remède pire que le mal ?
Article publié dans La Tribune le 09 septembre 2009.
Certes, le principe de précaution est devenu un socle indéfectible des décisions politiques. Et le gouvernement a un souvenir cuisant de la canicule de 2003. Certes, les pandémies seront une menace pour nos sociétés modernes. Et, on le sait, la peur fait vendre… Mais nous n’en pouvons plus?!
Certes, le principe de précaution est devenu un socle indéfectible des décisions politiques. Et le gouvernement a un souvenir cuisant de la canicule de 2003. Certes, les pandémies seront une menace pour nos sociétés modernes. Et, on le sait, la peur fait vendre… Mais nous n’en pouvons plus?!
Cette grippe médiatico-virulente se place sous les pires auspices. Certains médias en sont à prévoir des numéros ou des journées «spécial virus»… Les consignes données aux chefs d’entreprise préconisent d’annuler d’ores et déjà réunions et congrès… Et tout cela en pleine crise économique?! C’est être économiquement irresponsable que d’instaurer un nouveau «principe de catastrophe». Imaginez ce que cet absentéisme en chaîne peut provoquer comme manque à gagner?? Déjà les centres de congrès, les agences d’événementiel, les hôtels se plaignent des annulations «au cas où». Rien n’arrête le ridicule, il faut se couvrir, non pas pour éviter la grippe mais pour que le thermomètre de la cote de popularité des responsables politiques grimpe. La dernière consigne nous laisse pantois?: pour éviter de propager le virus, il ne faut plus porter de cravate?!
Fermer une classe lorsque cinq enfants sont atteints passe encore. Mais faut-il pour autant fermer toute l’école?? Et les parents des enfants en bonne santé?? Vont-ils rester chez eux aussi?? Et les entreprises des parents dont les enfants sont grippés, vont-elles devoir fermer?? Après une réflexion digne de celle d’un prix Nobel, «l’expérience grippale de la Nouvelle-Calédonie a ouvert une nouvelle piste» que n’aurait pas reniée Ubu?: il semblerait qu’en cas de grippe dans les écoles, il serait plus opportun de garder les enfants chez soi, plutôt que de fermer les écoles (sic). On est émerveillé de tant de sagacité… Un virus dont on nous assure tous les jours qu’il est «bénin». Le vaccin arrive, nous dit-on heure par heure. De toute façon, faites-vous vacciner?: avec les stocks qu’on a commandés, c’est quasi un devoir civique que de les écouler?! Même chose pour les masques?: on pourra toujours les utiliser pour Mardi Gras… Voilà en tous les cas un plan de relance exceptionnel pour le secteur du jetable non tissé…
Heureusement, l’esprit d’entreprise est un virus indestructible et nombre d’entreprises surfent sur la grippe pour faire un peu de promo?: qui n’a pas reçu une publicité pour des combinés de téléphone sans fil, pour l’organisation de «conference call», pour la formation par téléphone, pour des plateaux-repas pour éviter les restaurants d’entreprise, etc…?? Ouf?! Les entrepreneurs ne perdent pas le nord. Et les mères de famille stockent huile, sucre et pâtes. On ne sait jamais. De toute façon, c’est bon pour la consommation.
En tous les cas, pas de panique?: dans un pays qui détient l’orgueilleux record du taux d’absentéisme le plus élevé, il n’est pas besoin de faire tant de publicité pour inciter les gens à rester chez eux?: s’ils sont malades, ils sauront faire preuve de citoyenneté et de patriotisme sanitaire?! Quant aux syndicats, ils peuvent fourbir leurs armes car, actuellement, les consignes visent à motiver les collaborateurs à travailler de chez eux s’ils sont touchés. Réflexion faite, ne faut-il pas avoir un peu honte d’avoir ainsi maltraité l’épidémie annuelle de «gastro», qui n’a bénéficié d’aucune consigne particulière, tout juste celle de se laver les mains??
Cela pose une autre question?: qu’attend-on des hommes politiques?? A vouloir être pris en charge pour tout et à les prendre pour boucs émissaires à la moindre occasion, on provoque des réactions souvent disproportionnées. Le traitement par anticipation de cette grippe, dont on s’impatiente presque qu’elle ne soit pas encore là (on éviterait le ridicule de cette lente et obsessionnelle anticipation et ce serait fini), ressemble aux exercices d’évacuation pour incendie sur les ferrys?: on reste debout sur le pont, interminablement, habillé d’un gilet de sauvetage en entendant des coups de sifflets et des consignes incompréhensibles par haut-parleur. La France n’éternue pas encore, mais beaucoup de Français toussent devant cette débauche financière et médiatique.
Bien sûr, j’ai tort?: la sécurité n’a pas de prix au pays du principe constitutionnel de précaution. C’est précisément ce que je me suis dit lorsque cet été encore, je me suis fait confisquer pour la deuxième fois un tube de crème solaire tout neuf au contrôle de l’embarquement à l’aéroport… C’est grâce à tous ces tubes de crème solaire éliminés que la sécurité aérienne est assurée?!
*Sophie de Menthon est présidente du mouvement Ethic.