La croissance verte au secours du développement
Article publié dans la lettre d’information et de débat Réforme & Modernité de juillet-août 2009.
Au milieu d’une crise dont tout le monde reconnaît le caractère redoutable, on s’accroche à ce qu’on peut. Pour beaucoup la solution serait dans le vert pour restructurer une économie en berne. C’est bien ce que conclue le rapport « Réflexions sur le portefeuille de mesures Grenelle Environnement »[Voir le rapport « [Réflexions sur le portefeuille de mesures Grenelle Environnement », The Boston Consulting Group, 16 juin 2009.]] du Boston Consulting Group (BCG) présenté le 16 juin en affirmant que les mesures du Grenelle de l’environnement pourraient créer environ 600 000 emplois par an.
Cela semble fort prometteur face aux 700 000 emplois qui seront détruits en 2009, selon l’INSEE ![Voir [Conjoncture française, Insee, juin 2009, p. 75.]] Sauf que la création de ces emplois pour la plupart aidés va aussi entraîner une destruction d’autres emplois dans le secteur privé traditionnel.
Afin de lutter contre le réchauffement de la planète dont l’homme est accusé d’être responsable via ses émissions de CO2, les pouvoirs publics en France et d’ailleurs subventionnent les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire. Censées favoriser un meilleur environnement – point néanmoins débattu par près de 700 scientifiques au niveau international[Voir [la pétition signée par ces scientifiques.]], les énergies renouvelables sont aussi considérées comme un formidable moyen de relance économique.
Sauf que les futurs emplois verts pour la plupart aidés, seront financés par des impôts et taxes, prélevés sur les secteurs traditionnels, ce que l’étude passe sous silence. Ces nouveaux emplois vont absorber des ressources et du capital, qui ne seront plus disponibles pour s’investir dans les entreprises privées. Ce serait une erreur de se focaliser sur la création des emplois verts en occultant la destruction d’emplois traditionnels. C’est cet effet global que des économistes espagnols ont essayé d’estimer pour leur pays. Ils calculent ainsi que chaque emploi vert crée sur fond public entraînera la destruction de 2,2 emplois privés[Voir Gabriel Calzada, « [Study of the effects on employment of public aid to renewable energy sources », Universidad Rey Juan Carlos, mars 2009, p. 28.]].
Cette méthode n’est pas sans rappeler celle d’un économiste français du XIXe siècle, Frédéric Bastiat. Pour ce dernier, le bon économiste était celui qui voit « ce que l’on voit » mais aussi « ce que l’on ne voit pas ». Dans sa fameuse « pétition des marchands de chandelle », il imaginait des fabricants de chandelle proposant de stimuler leur activité en empêchant le soleil de briller. Bien sûr, cette démarche aurait permis de créer des emplois dans cette industrie. Elle aurait néanmoins détruit des ressources utiles ailleurs et conduit in fine à une détérioration des conditions de vie du plus grand nombre. Confondre l’intérêt à court terme de certains fabricants et celui de l’ensemble des individus n’est jamais une bonne chose…
Aussi, on peut craindre aujourd’hui que les milliards dépensés pour subventionner les technologies vertes enrichissent une minorité tout en retardant ou empêchant l’apparition d’autre technologies, biens et services que nous jugerions plus utiles.
Sous cet angle, l’engouement pour le vert ne pourrait être qu’un mirage incompatible avec un vrai développement durable. Pire, il pourrait nous ralentir et conduire à l’émergence d’une nouvelle bulle… verte cette fois !
*Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.