La Commission européenne ne devrait pas interdire le Di-Antalvic !
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Imaginez qu’on interdise le transport aérien sous prétexte que des accidents d’avions se produisent et en dépit du fait qu’il reste un des moyens de déplacements les plus sûrs !
Toutes proportions gardées, c’est pourtant ce qu’a décidé l’Agence européenne d’évaluation des médicaments (EMEA) à l’égard du Di-Antalvic, ce traitement anti-douleur utilisé par des millions de patients et contenant du dextropropoxyphène (DXP). Dans une décision publiée l’été dernier, l’EMEA a préconisé son retrait à l’échelle européenne, jugeant les risques supérieurs aux bénéfices qu’il présentait pour les malades.
Si un risque pour la santé existe bel et bien, notamment en cas de surdosage, cette décision est symptomatique d’un « principe de précaution » et d’une culture du « risque zéro » malavisés.
Car comment considérer autrement un principe qui conduit à éliminer du marché un médicament utilisé depuis plus de 45 ans, à très grande échelle en particulier en France ? Selon l’Afssaps, 70 millions de boîtes contenant du DXP ont ainsi été vendues en 2008, correspondant à 240 millions de jours de traitement. En dépit d’une exposition aussi importante, il est l’une des causes de décès répertoriées les plus faibles avec environ 65 décès par an. Le risque n’est donc pas zéro, mais il est par exemple environ 2 fois moins important que de mourir de la grippe en France (117 décès en 2006) !
Là où le risque semble plus élevé, comme au Royaume-Uni, on constate cependant que plus de 8 décès sur 10 sont des suicides. N’est-il pas dès lors illogique d’accuser le DXP quand le responsable est le geste prémédité de mettre fin à sa vie ? N’est-il pas absurde de « punir » les nombreux patients en France et en Europe qui l’utilisent à bon escient et pour lesquels il a été jugé le traitement le plus efficace ?
Le cas du retrait du DXP illustre bien le biais qui existe dans le processus bureaucratique d’évaluation des médicaments – européen en l’occurrence – à donner plus de poids aux risques qu’aux bénéfices des produits pharmaceutiques. Le fait que les patients – qui sont les bénéficiaires ultimes de ces produits – et leurs médecins puissent juger les bénéfices largement supérieurs aux risques, semble ne pas peser dans la balance.
Le DXP semble en effet un médicament reconnu de longue date dans la pratique clinique. Ainsi, selon l’Académie de Médecine, l’utilisation du DXP (en combinaison avec du paracétamol) est « largement mise à profit en thérapeutique, en France, avec sécurité ».
Priver les patients français et européens d’un produit qui s’avère efficace dans leur cas personnel cependant n’est pas tout. Dans la poursuite du « risque zéro », les pouvoirs publics oublient aussi que leur décision de retirer un médicament du marché a des effets pervers et comporte des risques pour les patients.
D’une part, en cas de retrait du marché, de nombreux patients seront obligés de changer de thérapie, un changement qui n’est jamais sans danger. Le paradoxe de cette décision est qu’elle fait courir aux malades le risque de devoir recourir à un autre antalgique, le tramadol par exemple, qui non seulement pourrait s’avérer moins efficace pour eux mais dont la toxicité en termes de décès, de convulsions et de complications respiratoires et cardiovasculaires a été jugée supérieure en France. En cherchant à imposer un risque zéro, les pouvoirs publics créent en réalité de nouveaux risques inutiles plus importants.
D’autre part, la menace d’interdire la commercialisation d’un produit est une épée de Damoclès qui pèse, qu’on le veuille ou non, sur les laboratoires pharmaceutiques. Si un médicament comme le DXP se voit retirer du marché en dépit d’une « évaluation quotidienne » risques/bénéfices favorable pendant 45 ans aux yeux des médecins et de leurs patients, comment ne pas hésiter à investir dans de nouveaux traitements dont les risques sont encore inconnus ?
Pas étonnant que le cours du laboratoire pharmaceutique commercialisant le Di-Antalvic ait souffert en Bourse à la suite de l’annonce de l’EMEA et l’annonce de suspicion concernant un autre de ses médicaments. De telles décisions publiques s’avèrent non seulement source de risques et de souffrances inutiles pour les malades, mais elles constituent aussi un obstacle à l’innovation dont ces derniers pourraient bénéficier à l’avenir.
Conseillés par leur médecin, les patients devraient avoir leur mot à dire dans l’évaluation risques/bénéfices des médicaments ! D’ailleurs, c’est bien ce qui s’est passé avec le Lotronex (un médicament traitant le syndrome du colon irritable), qui après avoir été retiré du marché suite à quelques décès, a été remis sur le marché sous la pression des patients aux Etats-Unis. L’évaluation des médicaments ne devrait pas être le monopole exclusif de bureaucraties fort éloignées de la réalité des gens.
Valentin Petkantchin est directeur de la recherche à l’Institut économique Molinari.