Le mythe du grand emprunt salvateur
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Les pouvoirs publics français ont besoin d’emprunter plus pour financer des investissements à long terme. Le projet du « grand emprunt » – tel que décidé par Nicolas Sarkozy à la fin de l’année dernière – représentera 35 milliards d’euros au total. 22 milliards devront être empruntés directement sur les marchés financiers, le reste provenant – espère-t-on – du remboursement par les banques des aides d’États.
Pour autant, à y regarder de près, l’expérience montre que l’emprunt public, loin d’être une solution miracle, est un remède pire que le mal.
D’une part les trente dernières années montrent que plus de dépenses publiques ne riment pas avec plus de croissance. Depuis 1975, l’État a chaque année recours à l’endettement pour financer en moyenne un quart de ses dépenses annuelles. L’effet est loin d’être moteur, la croissance observée en France étant notoirement inférieure à la moyenne de nos voisins. Loin d’être un hasard, cet état de fait est la conséquence de deux enchaînements bien connus.
D’autre part, le recours systématique à l’emprunt public est insoutenable à long terme. Contrairement aux individus et aux entreprises, qui savent qu’emprunter coûte cher et se serrent la ceinture pour rembourser, les pouvoirs publics français empruntent depuis des décennies sans jamais réduire leurs dépenses courantes. L’État n’arrive à financer ses déficits et à honorer ses dettes passées qu’en organisant de nouvelles émissions de dette, repoussant sans cesse à plus tard la solution des déséquilibres.
D’un point de vue politique, cette démarche s’apparentant à de la cavalerie financière est compréhensible. Elle permet de retarder l’inévitable remise à plat des finances publiques, perçue comme un facteur de risque par des politiciens qui savent que rigueur financière ne rime pas nécessairement avec popularité.
Pour autant la situation ne cesse d’empirer et pourrait même devenir ingérable à moyen terme. Sur la totalité de l’année 2009 l’État aura besoin de lever plus 250 milliards d’euros, soit près de 13% du PIB, pour financer son déficit (138 milliards) et rembourser ses dettes arrivant à échéance (112 milliards). Si les taux d’intérêts repartent à la hausse, la situation se dégradera encore plus.
En effet, à l’image des ménages américains, les pouvoirs publics ont pris l’habitude de s’endetter à court terme pour bénéficier de taux faibles. Cette stratégie, payante dans les dernières années, a permis de limiter la charge de la dette autour de 40 milliards par an. Elle pourrait s’avérer en revanche très coûteuse si les taux d’intérêt repartaient à la hausse.
Coûteux dans un contexte de dérapage financier, le grand emprunt pourrait aussi être contreproductif. L’expérience montre que les pouvoirs publics sont des investisseurs bien moins avisés que les particuliers et les entrepreneurs. Ils ont tendance à investir dans des projets que les opérateurs privés auraient écartés, comme le montrent les échecs d’une longue lignée de projets étatiques, du Plan calcul au Plan câble.
Dans ces conditions, il est urgent de ne pas céder aux sirènes des lobbys proposant de financer leurs rêves du moment, qu’il s’agisse du très haut débit Internet, d’investissements « verts », de relances du fret ferroviaire ou de l’aménagement de voies navigables.
Le développement durable de l’activité passe par une remise à plat des finances publiques non par un emprunt de plus.
Nicolas Marques est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.