Lire ou relire Le jour où la France a fait faillite
En ces temps difficiles, on pourra lire ou relire avec intérêt ce roman d’anticipation écrit il y a trois ans par Philippe Jaffré et Philippe Riès.
L’ancien président d’Elf-Aquitaine, décédé fin 2007, et le journaliste avaient eu l’audace d’imaginer qu’en juillet 2012 l’agence de notation Standard & Poor’s, lassée par la persistance d’un déficit public structurel et l’envolée du coût des retraites des fonctionnaires, dégraderait la notation de la dette publique française, provoquant un mouvement de défiance massif.
Du jour au lendemain, l’administration française ne trouverait plus aucun préteur. Celle qui, depuis une trentaine d’années, s’endettait pour financer ses fins de mois ne serait plus à même de payer les fonctionnaires, ses retraités, et d’honorer le remboursement de ses dettes arrivant à échéance. Une crise de finances publiques majeure se propagerait au secteur bancaire para étatique. La Caisse des Dépôts et Consignations et la Banque Postale, détentrices d’obligations du Trésor dont le cours est en chute libre, seraient emportées. Les banques privées devraient réduire drastiquement leur activité, au risque d’asphyxier plus encore l’économie. L’administration française quémanderait de quoi assumer les fins de mois au FMI, au Club de Paris ou à la Banque Centrale Européenne. Ces institutions, soucieuses de ne pas investir en pure perte des capitaux, exigeraient en contre partie la mise en place de réformes drastiques, pour passer d’un déficit annuel de l’ordre de 9% à un excédent de 2%. La France subirait ainsi « un sevrage brutal », avec l’abolition du statut de la fonction publique, la réduction du nombre des fonctionnaires, le transfert de la gestion du secteur éducatif et hospitalier au privé, la réduction drastique du nombre de collectivités locales…
Ce roman politico-financier plonge le lecteur dans les coulisses du pouvoir, de Bercy à la Banque Centrale Européenne, en mettant en scène une multitude de personnages connus, tant français qu’étrangers, ce qui lui confère un réalisme saisissant. Documenté et pédagogique, il est de nature à intéresser tous ceux qui sont intéressés par les affaires publiques, indépendamment de leur connaissance des marchés financiers. Philippe Jaffré, qui avait publié un Monnaie et politique monétaire (éditions Economica), et Philippe Riès avaient en effet extrêmement bien dosé leur intrigue.
A l’époque, d’aucun avait considéré qu’il s’agissait d’une pure fiction. Mais l’actualité grecque récente, tout comme l’histoire, nous rappellent qu’un État peut faire banqueroute. C’est ce qui est arrivé en France, en 1797, dans plusieurs États fédérés des États-Unis d’Amérique, entre 1841 et 1843. Il y a une vingtaine d’année, les crises financière latino-américaines, avec notamment la défaillance du Mexique (1982) ou de l’Argentine (1994), montraient aussi qu’un État ne peut durablement vivre au-dessus de ses moyens. Espérons que nous n’allons pas leur emboiter le pas…
- Le jour où la France a fait faillite, Philippe Jaffré et Philippe Ries, Grasset, janvier 2007, 365 pages.
Nicolas Marques est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.