La manne verte est détournée dans un esprit protectionniste
Article publié le mercredi 24 mars 2010 dans L’Écho.
La directive européenne relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Les énergies produites à partir de sources renouvelables comme les biocarburants ou les bioliquides sont au coeur de la stratégie européenne de transition des énergies fossiles vers des énergies considérées comme propres car moins émettrices de CO2. Les biocarburants en Europe sont principalement produits à partir de colza alors qu’ils sont ailleurs produits à partir de maïs, de soja ou d’huile de palme.
Rien n’est plus en vogue que le vert. On le retrouve sur le devant des nouvelles constructions, dans des campagnes publicitaires, à l’affiche de films (Avatar) et aussi dans le moteur de nos voitures.
Les pouvoirs publics l’ont bien compris et en cette période économique difficile caractérisée par des déficits publics abyssaux et une industrie en berne, rien ne semble plus beau que d’utiliser la mode écolo pour lever de nouvelles taxes ou pour protéger les industries européennes.
Si la taxe carbone a des difficultés à se mettre en place, les tarifs douaniers, subventions et réglementations techniques à l’égard des énergies dites «vertes» ou renouvelables ont quant à elles fleuri au risque de ralentir le commerce international et menacer aussi bien le bien-être des consommateurs européens que celui des autres pays.
La directive
En avril 2009, la directive sur les énergies renouvelables a été votée par le parlement européen en vue de promouvoir les énergies considérées comme vertes. Loin d’être une trouvaille, cette directive n’était que le prolongement de deux autres directives datant pour l’une de 2001 et pour l’autre de 2003. La grande nouveauté de la directive de 2009 est d’avoir ajouté aux tarifs douaniers et subventions en tous genres des contraintes techniques portant sur le processus de production de ces biocarburants.
La mise en place de ces réglementations peut sans doute en partie s’expliquer par le fort mécontentement qu’a provoqué la production de ces carburants. On a pu constater en effet dans certains pays qu’elle renchérissait dangereusement le prix des denrées alimentaires et qu’elles n’étaient, in fine, peut-être pas si favorables à l’environnement. La production de céréales exige des quantités importantes d’eau et a pu dans certains pays entraîner des déboisements massifs.
Reste que, comme le souligne une étude de l’institut Ecipe, «Green Protectionism in the European Union» à Bruxelles, cela n’explique pas tout. En effet, il est intéressant de noter que la directive a été rédigée de façon tout à fait ad hoc pour protéger l’industrie européenne des biocarburants au détriment des industries étrangères. En particulier, elle stipule que «La réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation de biocarburants et de bioliquides est d’au moins 35%». Et l’étude de préciser que dans ce contexte, seuls les biocarburants produits au sein de l’UE peuvent y prétendre tandis que celui des concurrents étrangers ne passera pas la barre. L’une des conséquences importante de la directive est ainsi de fermer le marché européen aux producteurs étrangers de biocarburants.
Le consommateur victime
Ceci est évidemment préjudiciable pour les entreprises étrangères qui se voient fermer un marché important mais ça l’est tout autant pour le consommateur européen qui subventionne de façon très importante les énergies renouvelables et qui pourrait sinon se les procurer pour un prix moindre en provenance de l’étranger, notamment du Brésil et d’autres pays en développement. La subvention et la protection de l’industrie européenne de biocarburant sont une façon très coûteuse de réduire les émissions de CO2. Pour chaque tonne en moins de CO2 émise via les biocarburants, les subventions dédiées à leur production auraient rendu possible l’achat de permis d’émission équivalent à 20 tonnes.
À ce stade, il est donc permis de se demander si cette directive se cantonne à un objectif purement environnemental ou si elle ne se serait pas transformée en une véritable politique industrielle visant à protéger le monde écolo agricole européen.
En effet, il faut se rappeler que le marché commun est caractérisé par une Politique agricole commune (PAC) qui subventionne fortement l’industrie agricole et qui, depuis plusieurs années, essaie de se réformer. Progressivement, les transferts au sein de la PAC ont de plus en plus ciblé les biocarburants considérés comme une production plus légitime que celle des produits agricoles standards. La réforme de la PAC en 2003 a rendu cette politique encore plus prononcée si bien que l’on constate que les principaux pays bénéficiaires de la PAC sont progressivement devenus les principaux producteurs d’énergie renouvelables et donc bénéficiaires des subventions et autres protections.
Politique dangereuse
En cette période financière et économique difficile, une telle politique protectionniste est extrêmement dangereuse pour le consommateur européen (en 2006, la production d’éthanol recevait 1,3 milliard et celle de bioliquide 2,5 milliards d’euros). Elle l’est aussi pour certains de ses producteurs dont les coûts de production s’élèvent avec la mise en place de contraintes techniques excluant des sources d’énergie étrangères moins chères.
Enfin, cette politique est particulièrement préjudiciable pour les producteurs étrangers, notamment des pays en développement, qu’on aide via des aides internationales mais qu’on empêche de commercer librement au nom d’un unique bénéficiaire: l’industrie agricole européenne. Cela ne fait-il pas beaucoup de perdants pour peu de gagnants ?
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.