Pascal Salin. Revenir au capitalisme. Pour éviter les crises (Odile Jacob, Paris, 2010)
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Qu’est-ce donc qui a causé la crise financière de 2008? Les excès de la finance, ou l’intervention de l’État? Les gouvernements ont-ils bien réagi pour en atténuer les conséquences? Ou bien sont-ils en train de semer les germes de la prochaine crise ?
Pascal Salin répond par un titre qui sonne comme une provocation : ce n’est pas l’avidité des banquiers, l’excès de déréglementation, ni même l’excès d’épargne des Chinois qui sont responsables de la crise, mais bien les mauvaises politiques publiques !
> Extrait d’une entrevue diffusée le 1er avril 2010 à l’émission Du grain à moudre, sur France Culture.
En premier lieu, la politique monétaire des banques centrales, sans laquelle rien ne serait arrivé. Elle a été à la fois laxiste et déstabilisante, avec notamment l’avalanche de liquidités créées après le 11 septembre 2001, ou des taux directeurs qui fluctuent de manière imprévisible à la hausse comme à la baisse.
En second lieu, la fiscalité et les systèmes de retraite par répartition, qui ont réduit l’épargne et provoqué une pénurie de capital. Une création monétaire artificielle a donc été substituée au financement naturel des investissements par l’épargne. Les banques et les entreprises, manquant de fonds propres, ont financé leurs projets à crédit. Les ménages américains, anglais et espagnols ont suivi le même chemin.
Ceci a abouti selon l’auteur à un « capitalisme sans capitalistes » qui contraste avec la situation qui existait au XIXème siècle. Les banques modernes ont des fonds propres ridicules, ne dépassant pas quelques pour cents, alors que ce ratio était autrefois de 60%. Un capitaliste engageait alors son épargne personnelle, et subissait des pertes en cas d’échec. Il était naturellement incité à être prudent. En un mot, il était responsable.
Comme facteur aggravant, il explique que plusieurs secteurs ont bénéficié de garanties publiques accordées au nom de la politique du logement, ou de la stabilité financière. Mais le logement et la stabilité financière n’y ont rien gagné. Dans la tempête, faute de fonds propres suffisants, c’est le contribuable qui a du éponger les pertes. Dans un tel contexte « d’irresponsabilité institutionnelle », les banques avaient prêté à des ménages non solvables. Les manageurs et les traders avaient pris des risques inconsidérés avec l’argent des autres, provoquant le scandale que l’on sait par le montant de leurs bonus.
On pourrait émettre une réserve concernant le rôle important que Pascal Salin accorde à l’épargne. Certes, la fiscalité et la retraite par répartition ont eu pour conséquence une épargne plus faible que ce qu’elle aurait été sinon. Mais un entrepreneur responsable qui dispose de peu de fonds propres ne s’endette pas pour compenser la « pénurie d’épargne », car cela présenterait un risque important. Il lance moins de projets, en rapport avec l’épargne dont il dispose. La pénurie d’épargne n’explique donc pas à elle seule la hausse du ratio entre la dette et les fonds propres. Il est vrai que la fiscalité crée des incitations à l’endettement, dans les fameux « LBO », par exemple. Mais nulle part on n’atteint les effets de levier astronomiques du secteur financier. La création monétaire et la socialisation des risques restent donc les principaux suspects.
Que faut-il faire ? Radicales, les propositions de Pascal Salin ont le mérite d’aller au cœur du problème. Il propose de supprimer les banques centrales pour mettre un terme à la création monétaire et à l’expansion du crédit. Par ailleurs, il demande que l’épargne individuelle volontaire soit restaurée par une réforme de la fiscalité et des retraites.
Au lieu de cela, la crise a ressuscité tout le florilège du keynésianisme. La plupart des pays ont mis en place des plans de « relance », pariant sur la consommation plutôt que l’épargne. Les banques centrales ont mis en œuvre des politiques de création monétaire massive. Autant de mesures qui préparent à coup sûr la prochaine crise. A contre-courant, Pascal Salin rappelle la théorie autrichienne de Mises et Hayek, qui attribue les cycles et les crises économiques à la création de monnaie et de crédit bancaire. Gageons qu’elle connaîtra un regain d’intérêt dans les années à venir.
Pascal Salin est économiste, professeur émérite à l’université Paris-Dauphine et ancien président de la Société du Mont Pèlerin. Il est notamment l’auteur de La vérité sur la monnaie et de Libéralisme.