Égalité homme-femmes : de qui se moque-t-on ?
Texte d’opinion publié sur Le Cercle Les Échos le 28 juin 2011.
En tant que femme à la tête d’un institut, mariée et maman, je me sens plutôt dans mon droit de m’exprimer sur la question de l’égalité salariale entre hommes et femmes. Sauf que dès que j’ouvre la bouche, mes interlocuteurs veulent me faire taire en ce que mon discours ne serait pas celui qu’on attend justement d’une femme.
En effet, la femme moderne du 21ème siècle est censée se plaindre d’être moins bien payée que ses collègues masculins, d’assumer plus de 80% du travail domestique et de s’occuper beaucoup plus des enfants que les pères. La ministre des Solidarités Roselyne Bachelot, a d’ailleurs bien entendu le cri des femmes en ouvrant ce mardi 28 juin une conférence sur une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Comme il n’est pas facile de contrôler ce qui se passe dans les foyers, il est devenu de bon ton de s’attaquer aux supposées inégalités salariales entre hommes et femmes et de menacer, par exemple, les entreprises de plus de 50 salariés non couvertes par un accord, ou à défaut, par un plan relatif à l’égalité professionnelle, d’une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale.
En soulevant la question de la discrimination de la femme au travail, le risque est de faire des mécontents mais cela n’invalide pas pour autant les faits. Si discrimination il y a, elle est beaucoup plus faible qu’on ne l’imagine et surtout les écarts de salaire entre homme et femme peuvent en grande partie s’expliquer par des performances moyennes au travail plus faibles chez les femmes que chez les hommes.
Pour preuve, ces rémunérations plus faibles se constatent tout particulièrement chez les femmes dirigeantes qui n’ont d’autre employeur qu’elles-mêmes. Pas possible dans leur cas de penser qu’elles seraient les victimes de préjugés sexistes d’employeurs qui sous-évalueraient leur salaire.
Comme le mentionne le statisticien Cyrille Godonou, « d’une part, à fonction ou secteur équivalent, les femmes] gagnent moins que leurs homologues masculins et d’autre part, elles sont relativement plus nombreuses dans les fonctions et dans les secteurs les moins rémunérateurs. […] Si on élimine les effets de secteur d’activité, de taille, de forme juridique et d’âge, le salaire des dirigeantes reste de 20 % inférieur à celui des dirigeants et cet écart est plus fort que pour l’ensemble des salariés (12 %). »[[«[Une dirigeante de société gagne un tiers de moins que son homologue masculin – Les salaires des dirigeantes de société en 2001», Frédéric Brouillet, division Salaires et revenus d’activité, Insee]] (Le Post, 5/04/2011)
À cela, deux raisons principales. La première tient au fait que les femmes travaillent moins d’heures par semaine (-8.9% pour les femmes selon l’Insee) et la seconde au fait que la productivité horaire semble aussi plus importante chez les hommes que chez les femmes. Les hommes médecins réaliseraient, par exemple, plus d’actes à la journée que les femmes.
Les femmes ne sont-elles pas moins disponibles que les hommes au travail parce qu’elles doivent justement assumer une part plus grande des charges familiales ? C’est bien entendu une partie de l’explication, mais ne perdons pas de vue que c’est souvent le fruit d’un choix. Nombreuses sont les femmes qui comme moi ne voudraient pour rien au monde rater le bain de bébé, les contes du bambin et les devoirs scolaires du préado qui manque décidément de concentration.
L’écart salarial entre hommes et femmes est un fait. Il s’explique en grande partie par des facteurs objectifs : heures supplémentaires, temps partiel, secteur d’activité, niveau de responsabilité, niveau de qualification, ancienneté etc. À facteurs identiques, d’autres éléments entrent en compte comme la durée hebdomadaire au travail et la productivité horaire. Si discrimination il y a, elle semble très faible. Avant de faire passer les femmes pour des victimes et les employeurs pour des bourreaux, rappelons-nous que les femmes viennent de Vénus et les hommes de Mars et que nous n’accordons pas nécessairement de l’importance aux mêmes choses.
D’ailleurs, à ce compte-là, ne faudrait-il pas ériger les hommes en victimes des femmes du fait que les hommes ont deux fois plus de chances d’être accidentés du travail que les femmes[« [Accidents, accidentés et organisation du travail – Résultats de l’enquête sur les conditions de travail de 1998 », mai 2002]]. Et, qu’entre 2007 et 2008, plus de 90% des morts au travail étaient masculins.
Chercher à gommer systématiquement les différences entre hommes et femmes et vouloir éluder les raisons objectives de certains phénomènes (comme les différences de salaire) mènent à une impasse. Les politiques de lutte contre la discrimination salariale – loin d’offrir des solutions constructives – nient la diversité des situations et crée une lutte entre homme et femme, là où elle n’a pas de raison d’être.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.