Trichet, le pompier pyromane
Texte d’opinion publié sur 24hGold le 20 juillet 2011.
Imaginez un pompier qui, après avoir réduit l’arrivée d’oxygène pour éteindre plus rapidement un incendie, se met à jeter de l’huile sur le feu. On le prendrait, et à juste titre, pour un pyromane fou et dangereux.
Or, c’est ce qu’a fait la Banque centrale européenne (BCE), présidée par Jean-Claude Trichet, le 7 juillet dernier. Et curieusement, personne n’a crié au feu.
En effet, face à la flambée des prix et conformément à son mandat officiel, la BCE a augmenté son taux directeur de 25 points de base ce jour-là, le portant de 1,25% à 1,50%. Une telle décision renchérit le prix des liquidités auquel les banques empruntent, et vise par la même occasion à resserrer le crédit dans l’économie de sorte que , toutes choses égales par ailleurs, la pression sur les prix soit moins forte. Bref, il s’agit d’une décision timide mais allant néanmoins dans le sens d’une meilleure maîtrise de « l’incendie » inflationniste.
En parallèle, la BCE a cependant décidé le même jour de donner un nouveau « coup de canif au contrat » qui limitait son pouvoir de créer de l’inflation.
La BCE a ainsi annoncé qu’elle acceptait désormais de racheter de la dette portugaise même si la note de celle-ci vient d’être dégradée par l’agence de notation Moody’s qui la considère comme une dette à haut risque (dette dite « spéculative », à l’image de la dette grecque).
À cet égard, il est fort à parier que la BCE poursuivra cette politique et acceptera la dette irlandaise d’aussi piètre qualité que celle du Portugal. Moody’s a en effet dégradé la note de la dette irlandaise le 12 juillet dernier, la classant désormais dans la catégorie des dettes « spéculatives ».
Il faut bien comprendre que cette politique est hautement inflationniste. Car créer des quantités de monnaie comme le fait la BCE, puis les distribuer en contrepartie d’une dette hautement risquée – qui ne vaut rien ou beaucoup moins que la monnaie créée à cause du risque de défaut de l’État émetteur – revient ni plus ni moins à faire tourner la « planche à billet ».
La BCE avait déjà pratiqué une telle politique monétaire dès le mois de mai 2010 suite à la crise grecque, injectant dans l’économie des centaines de milliards d’euros fraîchement « imprimés », ce qui n’est pas étranger d’ailleurs à l’inflation actuelle dans la zone euro.
En effet, selon une étude publiée par Open Europe au début du mois de juin dernier, la BCE détiendrait ainsi de la dette grecque, irlandaise et portugaise, pour un montant d’environ 340 milliards d’euros. Si on y ajoute les dettes espagnole et italienne, ce chiffre grimpe à 444 milliards d’euros, soit un montant « équivalent aux PIB de la Finlande et de l’Autriche réunis » !
Figure 1 : Exposition de la BCE à la dette des pays PIIGS
Source : Open Europe, 2011.
Tel un pompier pyromane, Jean-Claude Trichet, est en train d’attiser le feu inflationniste en dépit de la volonté officiellement affichée de la BCE de le maîtriser grâce à l’augmentation de son taux directeur. C’est le pouvoir d’achat de l’euro qui inévitablement continuera d’en pâtir.
Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.