L’huile de palme : les mythes ont la peau dure
Texte d’opinion publié le 3 octobre 2012 dans Le Temps.
Encore récemment, l’huile de palme faisait l’objet d’une nouvelle étude publiée par les ONG Greenpeace et l’institut Oakland. Elles s’insèrent dans un long mouvement lancé contre l’huile de palme, accusée de tous les maux par ses détracteurs. Elle serait mauvaise pour la santé et pour l’environnement et mieux vaudrait, pour certains, s’en passer plutôt que de continuer à s’empoisonner et nuire à notre environnement.
Sauf qu’encore une fois, les choses ne sont pas si simples et l’huile de palme a de nombreux avantages qui en font in fine une huile adéquate aussi bien pour la santé que pour l’environnement. Sans compter qu’elle peut aider les pays en développement à se sortir de leur pauvreté sans en créer dans nos pays.
Cette affirmation peut apparaître provocante dans un contexte où les compagnes les plus sensationnelles ont été menées par des groupes environnementalistes destinés à la décrédibiliser pour la faire disparaître.
Ainsi, Greenpeace remportait en 2010 un succès phénoménal avec sa campagne Kit Kat où la fameuse barre chocolatée était remplacée par le doigt d’un orang-outang au point d’infléchir la politique du groupe Nestlé en la matière. Il faut dire que la vidéo avait été vue par près de 2 millions de personnes et avait suscité environ 200 000 e-mails de protestation.
Reste que de telles campagnes sont nocives en ce qu’elles font croire qu’un problème complexe peut se résoudre par une solution simpliste, à savoir boycotter l’huile de palme. Or ce faisant, on se prive d’une huile qui a des qualités nutritives, permet d’épargner des terres et se révèle très accessible sur le plan financier.
Ainsi, on reproche à l’huile de palme de contenir des acides gras saturés. Certes. Mais on oublie aussi de préciser qu’elle ne contient aucun acides gras trans que nombre de recherches ont lié à des maladies cardiaques, à la hausse du taux de mauvais cholestérol et la baisse du bon. Or, c’est la transformation de l’huile liquide en huile solide par hydrogénation qui provoque la création de ces acides gras trans. L’huile de palme – qui se solidifie à température à ambiante – a donc cet avantage naturel de ne pas contenir d’acide trans.
Elle contient certes des acides saturés mais cela offre aussi une meilleure stabilité à l’oxydation, un plus grand moelleux et une température de fusion élevée, nécessaire dans la fabrication de confiserie, par exemple.
En pratique, cela signifie qu’il faut soupeser les avantages et les inconvénients des diverses huiles car la pauvreté en graisses saturées entraîne une perte de maniabilité, de saveur, de texture et de stabilité, problèmes que connaissent bien les fabricants de fromage.
Ensuite, l’huile de palme a cette particularité de bénéficier d’une productivité très élevée par rapport à ses substituts, ce qui la rend paradoxalement un « économisateur » de terre. En effet, le rendement par hectare de l’huile de palme est d’environ 3,72 tonnes alors que celle du soja est de 0,40 et celle du colza de 0,72 tonnes. Autrement dit, le palmier à huile produit près de 10 fois plus de matière grasse que le soja, et plus de 5 fois plus que le colza.
Or, si les tendances se poursuivent en matière de consommation d’huile végétale et que la population atteint 9,2 milliards d’individus en 2050, ce sont au moins 25 kg d’huile par personne qui seront consommés. Pour satisfaire une telle demande, il faudrait produire 240 millions de tonnes, soit 40% environ de plus qu’actuellement. Pour satisfaire ce surcroît de demande, il faudrait que 12 à 19 millions d’hectares soient consacrés à la production d’huile de palme ou 95 millions d’hectares à la production de soja. On voit bien comment les rendements élevés de cet arbre le rende particulièrement écologique.
C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle, en Malaisie, la superficie consacrée en 2011 à la production d’huile de palme a certes été multipliée par 5 depuis 1975 mais pas par 16, le nombre de fois par lequel la production a, elle, été multiplié depuis cette date. L’amélioration des rendements dus à la forte productivité du palmier mais aussi à divers progrès technologiques aurait ainsi permis d’épargner pas loin de 15 millions d’hectares et les espèces qui s’y développent.
Enfin, l’huile de palme est aussi la plus accessible. Ceci est notamment dû au fait qu’elle est produite là où elle a le plus de chance de se développer facilement, les pays du Sud-est asiatique et d’Amérique du Sud, qui sont aussi les pays qui connaissent les coûts de production les plus faibles pour les cultures oléagineuses comestibles. Cela en fait une denrée accessible pour un apport calorique important dans les pays en développement tout en permettant aux citoyens des pays développés d’obtenir eux aussi des biens de consommation abordables à un moment où ils voient leur pouvoir d’achat en berne.
Ainsi, les campagnes massives de dénigrement de l’huile de palme sont loin d’être justes. Reste que la production d’huile de palme peut être problématique dans certains pays quand elle se fait par expropriation et déni des droits de propriété des agriculteurs.
C’est ce qu’on peut comprendre dans le cas de la société Herakles qui aurait obtenu du gouvernement camerounais, un bail de 99 ans pour l’exploitation de 73 000 hectares de terres à destination de l’huile de palme. La vidéo réalisée par l’institut Oakland révèle que cet accord se fait en dépit des droits de propriétés des petits producteurs sur place qui se voient, semble-t-il pour certains expropriés de leur terre. Or, il ne peut pas y avoir pire management que celui qui consiste à confisquer des terres à ceux qui ont le plus intérêt à en prendre soin.
Ainsi, plutôt que de vouloir bannir l’utilisation de l’huile de palme, il faut plutôt que la production s’organise sur des bases durables, à savoir dans un cadre légal qui définisse et respecte strictement les droits de propriété des uns et des autres.
Hiroko Shimuzu est chercheur associé à l’Institut économique Molinari. Cécile Philippe, directrice générale de l’IEM.