Chronique de Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, diffusée sur les ondes de Radio classique le 24 septembre 2013.
Chaque matin, dans «Des Idées Neuves», des professeurs, des directeurs de think tanks, des journalistes agitent, interrogent et bousculent notre système. Leurs projets de réformes inédites et iconoclastes pourraient inciter nos entreprises et nos institutions à imaginer un nouveau modèle économique.
Retrouvez Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, sur les ondes de Radio classique.
Vive les niches fiscales !
Plus précisément : arrêtons de les stigmatiser. Dans un pays comme la France, ces niches fiscales ne sont que le corollaire de la pression fiscale et sociale.
Des niches pour soulager des Français écrasés par les impôts ?
Effectivement. Le constat est sans ambigüité. La France partage, notamment avec la Belgique le record de fiscalisation du salarié moyen. Les taux de prélèvements réels y sont les plus élevés de l’UE, au-delà de 55% de ce que distribue l’employeur. Dans ces conditions, il est compréhensible qu’une multitude d’aménagements aient été mis en œuvre pour les employeurs et leurs salariés afin de rendre supportable la pression sociale et fiscale reposant sur le travail. Ces aménagements sont visibles à tous les niveaux dans la société française. Ils peuvent prendre des formes très diverses : mise à disposition d’avantages en nature, cofinancement de la couverture sociale complémentaire, défiscalisation des heures supplémentaires etc.
Mais elles sont montrées du doigt régulièrement par le Cour des comptes notamment… Qui les considèrent comme des anomalies inefficaces… Alors ?
Effectivement, dans le contexte actuel, il est devenu habituel de stigmatiser ces niches, en les présentant comme des anomalies à résorber ou raboter, afin d’augmenter les rentrées fiscales ou sociales et de rétablir les comptes.
Une abondante littérature s’est développée autour de la notion de dépense fiscale et sociale. D’un point de vue conceptuel, cette littérature met sur un faux pied d’égalité de réelles dépenses publiques, financées par des prélèvements obligatoires, et des dépenses fiscales et sociales qui n’ont de dépenses que le nom. Il s’agit en effet de dispositions légales prévoyant que certains revenus seront moins fiscalisés ou socialisés que d’autres, voire ne seront pas taxés. Présenter aujourd’hui ces arrangements comme l’une des raisons des dérapages des finances publiques ne contribue pas à éclairer le débat.
Les niches fiscales sont donc plus le symptôme plus que la cause du problème de la fiscalité en France…
L’accumulation des déficits et des dettes n’est pas liée à une relative clémence des pouvoirs publics français, incapables d’équilibrer leurs comptes depuis 1974 en dépit d’une hausse de la pression fiscale et sociale très significative.
Présenter les niches fiscales et sociales comme la cause des déficits actuels relève d’une confusion entre causes et conséquences. L’apparition de ces niches est la conséquence directe de l’envolée de la pression fiscale. Une bonne partie d’entre elles permettent de continuer à récompenser des salariés, parmi les plus productifs de l’Union européenne, en préservant quelque peu leur pouvoir d’achat. Si les pouvoirs publics continuent à raboter ou éradiquer ces niches, il conviendrait en bonne logique de réduire en parallèle le niveau global de la fiscalité.
Faire différemment, en supprimant les niches sans réduire par ailleurs les impôts et charges, conduira nécessairement à réduire d’autant le pouvoir d’achat des salariés ou à amputer la compétitivité de leurs employeurs. C’est ainsi que les pouvoirs publics risquent d’asphyxier l’économie dans sa globalité et de tomber dans un cercle vicieux connu car supprimer les niches, c’est en fait augmenter le niveau de la fiscalité dans son ensemble et cela conduit à terme à diminuer les rentrées fiscales.
Conclusion : arrêter de stigmatiser les niches fiscales, c’est comprendre qu’elles ne sont que le symptôme d’un mal plus profond en France.