L’e-cigarette plus efficace que le paquet neutre
Texte d’opinion publié le 25 mars 2015 dans Les Échos.
Les ventes de cigarettes ont diminué de 3,4% en volume en 2012, de 7,6% en 2013, et de 5,3% en 2014. Ces baisses inespérées sont en partie imputables à l’e-cigarette mais aussi à la hausse des transactions illégales qui représentent près de 25% du marché. Cependant, le nombre de fumeurs réguliers reste assez stable en France : entre 2010 et 2014, il est passé de 29,1% à 28,2% de la population entre 15 et 75 ans. Ces chiffres récalcitrants semblent déterminer la stratégie anti-tabac du gouvernement qui consisterait à inaugurer une politique encore plus agressive en appliquant la directive européenne de février 2014 qui prévoit, notamment, l’imposition du paquet neutre.
En place depuis décembre 2012 en Australie, le paquet dit « neutre » ne l’est pas du point de vue du message qu’il véhicule car il est recouvert en grande partie d’avertissements et de photos chocs montrant les méfaits du tabac. Il est encore tôt pour connaître l’impact réel de cette mesure car les consommateurs australiens n’ont pas été en reste. En effet, les ventes légales de cigarettes ont très légèrement augmenté en Australie en 2013, notamment parce que les consommateurs se sont rabattus sur des marques moins chères. De surcroit, les ventes de tabac à rouler ont fait un bon de 3,4% en volume. Et la firme KPMG estime que la contrebande de cigarettes a augmenté de 11,8% à 13,3% sur la même période. Elle représenterait plus de 14,2% du marché en 2014.
On pourra s’attendre à des réactions similaires en France et en Europe où la contrebande de produits du tabac a connu une très forte hausse depuis dix ans. Les cigarettiers s’opposeront aussi à cette nouvelle réglementation notamment en imprimant leur logo à l’envers de façon à permettre aux buralistes d’exposer les paquets la tête en bas (et ainsi de minimiser l’impact des avertissements qui devront être positionnés, pour des raisons légales, près de l’ouverture du paquet).
Face à un échec potentiel de ces nouvelles mesures, il est important de poser la question du vapotage. Plébiscitée par ses utilisateurs, l’e-cigarette, l’une des huit innovations perturbatrices de ce siècle selon Goldman Sachs, constitue probablement la seule solution au tabagisme que le monde ait actuellement à sa disposition. Solution certes imparfaite car il existe des risques liés à son utilisation. L’e-cigarette peut en effet être addictive car la nicotine, quelque soit son mode d’administration, est addictive. Mais l’e-cigarette fonctionne mieux que les méthodes classiques de prise en charge du tabagisme pour la raison qu’elle provoque un soulagement rapide du manque de nicotine.
Ainsi un nombre croissant d’études montre son efficacité relative dans la réduction du tabagisme. Bertrand Dautzenberg, tabacologue, affirme même que l’e-cigarette est en train de contribuer au déclin du tabac, surtout chez les jeunes dont le nombre de fumeurs a fortement chuté : en 2014, ils représentaient 33,5% des lycéens contre 42,9% en 2011 et 11,2% des collégiens contre 20%. Et il semblerait que l’e-cigarette ne soit pas une passerelle vers le tabac. D’ailleurs, selon 43% des Français, l’e-cigarette serait un moyen de sevrage efficace.
Une lecture dépassionnée des analyses tendrait à montrer que le profil toxicologique de l’e-cigarette est beaucoup moins létal que celui du tabac. Le liquide qui produit l’aérosol, même s’il contient des impuretés telles que l’anatabine ou la norocinine, est quasiment dépourvue de nitrosamines qui sont des cancérogènes naturellement présents dans le tabac. À l’exception d’une étude de l’Institut national japonais de la santé publique, la recherche montre que la quantité de cancérogènes connus dans l’aérosol de l’e-cigarette est largement inférieure à celle de la fumée de cigarette, car les concentrations sont plus faibles et les goudrons et le monoxyde de carbone sont absents.
Malgré cela, le gouvernement voudrait restreindre le vapotage dans les lieux publics et sur les lieux de travail et, à terme, contingenter la publicité pour les e-cigarettes contenant de la nicotine en inscrivant son interdiction dans la loi. Cependant, même s’il est encore tôt pour juger des effets complets de l’e-cigarette, on sait que le risque de l’e-cigarette est faible relativement à celui de la cigarette traditionnelle. Nous sommes à un tournant en matière de lutte contre le tabagisme. Alors plutôt que de rendre les cigarettes illégales plus attrayantes et le vapotage plus difficile, saisissons la chance qui nous est donnée d’encourager la sortie du tabagisme grâce à l’e-cigarette.
Frédéric Sautet est chercheur associé à l’Institut économique Molinari et auteur de «Fumer ou vapoter : la révolution de la consommation du tabac et de la nicotine».