300 000 euros d’amende en cas d’obsolescence programmée
Texte d’opinion publié le 13 novembre 2015 dans Le Figaro Magazine.
La loi du 17 août 2015 prévoit que « l’obsolescence programmée est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. » Elle définit l’obsolescence programmée comme « l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. »
Pour Thomas Lombès et Bastien Poubeau, deux ingénieurs des Mines, qui ont travaillé sur le sujet, ce genre de délit est très difficile à prouver.
En effet, la durée de vie d’un produit est difficilement mesurable a priori, et cela serait long et coûteux pour les produits complexes. Le consommateur est-il prêt à payer ce surcoût ? De plus, les produits sont rarement homogènes : des produits avec la même référence peuvent utiliser des pièces provenant de divers sous-traitants. Enfin, les usages, quantitatif et qualitatif, sont très différents d’un utilisateur à l’autre.
Par exemple, entre un Français qui roule, en moyenne, 16 000 kilomètres par an (faible usage), et un chauffeur de taxi ou un VRP qui peut aller jusqu’à 100 000 km/an (usage intensif). Même à kilométrage égal, les comparaisons sont difficiles car un VRP roule à une vitesse moyenne beaucoup plus élevée qu’un chauffeur de taxi. Sans parler de l’entretien de la voiture qui diffère d’un individu à l’autre.
Et puis, prolonger à tout prix la durée de vie d’un produit peut être néfaste pour l’environnement : en 15 ans, la consommation d’eau des lave-linges a été divisée par deux.
Certes, les industriels cherchent à susciter, chez le consommateur, l’envie d’acheter. Mais dans le contexte de forte concurrence qui est le nôtre, n’ont-ils pas plutôt intérêt à proposer les meilleurs produits possibles ?
L’acte d’achat est avant tout un choix du consommateur. Et c’est lui aussi qui décide de jeter un produit avant son usure matérielle. Car, la durée de vie n’est pas le seul critère. La mode en est un autre.
Il s’avère donc qu’une loi n’était pas indispensable, surtout que la législation actuelle – garantie contre les vices cachés et action de groupe – permet déjà au consommateur de se défendre.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.