Primaires de la droite : débat avec François Fillon
Compte rendu publié en exclusivité sur notre site.
Après Hervé Mariton et Frédéric Lefebvre, c’est François Fillon qui a été reçu, le 5 septembre 2016, par la dizaine d’associations et think tanks – dont l’Institut Économique Molinari (IEM) – qui, sous l’égide de l’Aleps (Association pour la liberté économique et le progrès social), ont entrepris d’auditionner les candidats déclarés à la primaire de la droite et du centre. Notre collaborateur Patrick Coquart nous livre ses impressions qui, rappelons-le, ne constituent pas une prise de position de l’IEM en faveur ou défaveur d’un candidat. En effet, conformément à sa vocation d’éducation économique, l’IEM ne prend parti pour aucun candidat.
L’esprit général
François Fillon ne récuse pas l’adjectif de thatchérien dont un de ses concurrents l’a affublé en pensant lui faire déplaisir. Au contraire, il pense que la Dame de fer restera dans l’histoire car elle a redressé l’économie de son pays. C’est pourquoi il est candidat, pour opérer « une transformation profonde, politique, économique et sociale » de la France.
Comme Frédéric Lefebvre, l’ancien premier ministre entend « changer le logiciel » de la France et instiller davantage de liberté. De son tour de France, François Fillon retient que les Français souhaitent qu’on « leur fiche la paix », qu’on leur fasse davantage confiance. Une demande – un cri même souvent – qui, assure-t-il, n’émane pas seulement des entrepreneurs, mais aussi d’agriculteurs, de chefs d’établissements scolaires, d’acteurs du monde associatif, des professions médicales…
Enfin, François Fillon souhaite concentrer son action sur les entreprises et les investisseurs. Il souhaite « recréer un capitalisme français », aujourd’hui en voie de disparation du fait des impôts et des taxes.
Les mesures phares
Parmi les mesures proposées par François Fillon, citons :
– la réduction du code du travail à 150 pages ;
– le retour aux 39 heures dans les fonctions publiques, et la suppression de la durée légale du travail dans le secteur privé ;
– la réduction des charges pesant sur les entreprises pour un total de 60 milliards d’euros (une baisse qui s’est réduite à 40 milliards lors de la présentation chiffrée de son programme le 14 septembre dernier !) ;
– la création d’une allocation sociale unique, en lieu et place des multitudes aides sociales existantes ;
– la suppression de l’ISF et la mise en place d’une flat tax de 30 % sur les revenus du capital.
La méthode
François Fillon s’appuie sur ses précédentes expériences gouvernementales pour assurer qu’il saura mener à bien les réformes. C’est ainsi qu’il a su, dit-il, réformer les retraites malgré 2,5 millions de manifestants dans les rues, ou les universités malgré six mois de contestation. Et cela parce que aucun signal n’a laissé croire que le gouvernement et la majorité hésitaient, étaient divisés, avaient peur, ni qu’il y avait une possibilité de recul. On peut donc, selon Fillon, « faire des réformes dans notre pays quand il y a une détermination et un mandat démocratique clair ».
Selon François Fillon, c’est d’abord dans la tête des dirigeants que cela se passe. Trop souvent, ceux-ci surestiment la capacité de mobilisation des opposants. C’est la peur des blocages qui les font reculer ou présenter des projets bien trop modestes.
Autre élément de méthode : « avoir un projet réaliste et réalisable dans le quinquennat ». Cela signifie que « l’on ne peut pas tout faire ». Il souhaite ainsi se concentrer sur 6 ou 7 réformes fondamentales qui auront un effet de levier puissant et qu’il espère irréversibles. Des réformes qui devront être précises, chiffrées et financées, et avec un calendrier de mise en œuvre.
François Fillon souhaite également pouvoir agir très vite. C’est-à-dire que le parlement devra travailler, dès le lendemain des élections législatives, en juillet, août et septembre. Pour cela, les projets de lois devront avoir été préalablement écrits. L’équipe gouvernementale – composée de 15 ministres seulement – sera, elle aussi, constituée avant l’élection.
Enfin, le candidat Fillon n’entend pas se priver des moyens que lui offre la Constitution, comme l’article 49-3 ou les ordonnances. Il prévoit également un référendum en septembre 2017 sur deux sujets : l’inscription dans la Constitution du principe d’égalité des régimes sociaux, et la réduction du nombre de parlementaires.
Conclusion
François Fillon est considéré comme celui qui a le plus travaillé son programme. C’était probablement vrai il y a quelques mois ou même encore quelques semaines, mais les candidats à la primaire publient chacun leur tour des programmes détaillés et chiffrés.
Surtout, il avoue ne pas pouvoir tout faire et vouloir se concentrer sur l’essentiel, à savoir les entreprises, seules créatrices de richesses et d’emplois. C’est ainsi qu’il dit ne pas pouvoir baisser l’impôt sur le revenu, et qu’il déclare vouloir augmenter la TVA.
Mais parfois François Fillon semble s’arrêter au milieu du gué. Par exemple, à une question de la salle, ce 5 septembre, sur l’audiovisuel, il répond vouloir maintenir un service public de télévision et de radio. De même dans l’introduction de son livre – Faire (Albin Michel, 2015) – il affirme que l’État est légitime pour fixer des objectifs de qualité aux agriculteurs, ou bien des objectifs de confort aux professionnels du logement.
La réflexion de l’ancien premier ministre sur le rôle et la place de l’État dans la société pourrait donc être approfondie, véritable préalable à la réduction des dépenses publiques.
Patrick Coquart est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.