Sécu et mutuelles : les vertus de la concurrence
Texte d’opinion publié le 27 février 2017 dans Les Échos.
Voilà plus d’un siècle que dure la bataille qui oppose les différents acteurs de la santé. Cette bataille – marquée par la victoire majeure de la Sécurité sociale en 1947 – n’en continue pas moins d’opposer notamment les mutualistes à la Sécurité sociale.
Opposants de longue date, le combat est souvent silencieux. Parfois, un coup porte davantage, comme cet article remarqué de Martin Hirsch et René Tabuteau publié récemment dans le journal Le Monde. Les auteurs n’y proposent rien de moins que la création d’une Sécurité sociale universelle, et donc la suppression de ces quelque 500 complémentaires, dont le nombre à lui tout seul indiquerait une mauvaise allocation des ressources.
Or c’est tout l’inverse qu’il faudrait envisager. Les mutualistes sont peut-être nombreux en France, mais leur existence révèle un élément fondamental : l’existence d’une concurrence institutionnelle dont il y a tout lieu de penser qu’elle est créatrice de valeur.
Des fusions qui coûtent souvent cher
C’est bien connu, en cette période prolongée de déficits et de rationalisation des dépenses, il y a lieu de faire des économies d’échelle, de fusionner, de supprimer, de créer des entités uniques susceptibles de faire des économies dans les frais de gestion. Hirsch et Tabuteau ne promettent-ils ainsi pas des économies de l’ordre de 6 milliards d’euros par an si on supprimait toutes ces complémentaires ?
Il est certain que les fusions peuvent avoir une raison d’être. Il n’en demeure pas moins que, dans nombre de cas, celles orchestrées par les pouvoirs publics ont généré beaucoup de déceptions voire de surcoûts (fusion ANPE-Unédic, RSI…). Cela n’est pas le fruit du hasard, les différences que l’administration cherche à gommer ont souvent une utilité. Elles sont le garant institutionnel que l’expérimentation pourra se poursuivre.
Car, sauf à croire que nous vivons dans un monde simple, certain et sans surprise, il n’existe pas de meilleur système que la concurrence pour faire émerger des solutions adaptées aux nombreux problèmes que la vie en société crée.
Prendre en compte la dynamique des institutions
Comme l’explique Douglass North, lauréat du prix Nobel d’économie en 1993, dans son ouvrage « Comprendre le processus du changement économique » (2005), « la diversité institutionnelle est une question de survie ». Dans la mesure où personne ne sait quel est le meilleur moyen de survivre, il est essentiel de bénéficier de structures institutionnelles capables d’innover.
L’argument des frais de gestion est un argument comptable, statique, ne prenant pas en compte la dimension dynamique des institutions. Or c’est elle qui compte. Et si on juge la Sécurité sociale à l’aune de cette dynamique, le résultat n’est pas en sa faveur.
En effet, le premier plan de lutte contre le déficit de l’assurance-maladie date de ses débuts, dès 1951. Il sera suivi d’une multitude d’autres, pour la bonne raison que la Sécurité sociale en tant que monopole se révèle incapable de créer et de traiter l’information nécessaire à la bonne gestion de systèmes sociaux complexes tels que l’assurance-maladie ou les accidents du travail.
Peu d’expérimentations en monopole
Avancer l’argument de la fusion a le mérite d’être simple et facile à comprendre. Mais, dans le cas présent, la simplicité n’est pas un atout. Nous n’avons pas besoin de simplisme en santé mais de dynamisme, de capacité à s’adapter aux nouveaux défis que représentent une population vieillissante, l’augmentation du nombre de cancers, les révolutions technologiques.
Pour cela, il ne faut pas seulement de bonnes capacités de traiter l’information, mais aussi des systèmes capables de la créer. Seul un processus d’essai et erreur peut y parvenir et l’expérimentation n’est pas le point fort d’un monopole. En tant que patients, nous voulons être bien soignés.
Si le système français continue à fournir des services de qualité au plus grand nombre, ce n’est pas en dépit des mutualistes et des prestataires de santé en concurrence, mais grâce à eux. La maîtrise comptable des coûts dont Hirsch et Tabuteau se font les fers de lance oublie que, à la clef, il y aura des listes d’attente pour tous faute d’avoir su générer des solutions innovantes et accessibles en santé.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.