Interdire les plastiques non réutilisables : un exemple de ce que de bonnes intentions ne sont pas forcément fondées sur un bon jugement
Texte d’opinion de Frits Bolkestein* publié en exclusivité sur le site de l’Institut économique Molinari.
L’interdiction des plastiques non réutilisables à partir de 2021 a été votée au Parlement européen ce mercredi 24 octobre 2018. Cela consiste à interdire la vente de produits en plastique non réutilisables, qu’il s’agisse de cotons-tiges ou de pailles. Les Etats membres devront aussi intensifier leurs efforts pour collecter les bouteilles en plastique non réutilisables, avec un objectif de collecte de 90% fixé pour 2025. Les coûts de ce programme seront financés par les entreprises, qui doivent aussi payer pour les nouveaux programmes de gestion des déchets et de nettoyage.
Selon Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, le projet de loi vise à créer une « course mondiale au sommet » au nettoyage des océans, de notre environnement, de notre alimentation et même de notre corps. Autant d’objectifs très louables. Reste à savoir quels résultats on pourra espérer atteindre et les choses sont moins simples qu’il n’y paraît.
Interdire les plastiques non réutilisables peut sembler facile en théorie. En pratique, il est encore difficile de trouver des substituts fiables. Nous utilisons des plastiques non réutilisables pour différentes tâches : conserver nos aliments au frais, stocker les instruments médicaux stérilisés. Le remplacement de ce type de plastique constitue un défi de taille pour la recherche-développement. Il y a des alternatives aux plastiques ordinaire, par exemple les biopolymères (plastiques issus de la biomasse). Le problème réside toutefois dans le fait que l’industrie n’est pas capable de les produire à l’échelle nécessaire au remplacement de tous les plastiques traditionnels non réutilisables.
Si nous ne pouvons pas remplacer efficacement les plastiques à usage unique, nous créerons de nouveaux problèmes. Sans plastique à usage unique, nos aliments risquent de périr beaucoup plus rapidement. Le gaspillage alimentaire en résultant rendrait nécessaire d’augmenter la production alimentaire. Cela entraînera des pressions dans la gestion des terres et des eaux. Les émissions de CO2 et de méthane pourraient aussi augmenter. Autant de coûts supplémentaires pour les gouvernements et les consommateurs ordinaires.
A cela s’ajoute le fait que les alternatives au plastique non-réutilisable ne sont pas nécessairement meilleures pour l’environnement. Pour ne pas être polluants, ces plastiques doivent être recyclés proprement dans des installations ad hoc dont on ne dispose pas aujourd’hui en quantité suffisante. S’ils échouent ailleurs, ils seront tout autant polluants.
Cela nous amène à parler du vrai problème : celui du recyclage ou plutôt de son insuffisance. La priorité de l’Union européenne devrait être de faire en sorte que les États membres tiennent leur promesse en termes de recyclage, à savoir recycler au moins 50% de tous les déchets municipaux. Ce ne serait pas simplement une bonne politique, ce serait aussi une bonne affaire. Selon le commissaire Jyrki Katainen, seuls 5% des plastiques de l’UE sont actuellement recyclés, ce qui signifie que l’économie européenne perd chaque année environ 100 milliards d’euros de plastique. Si nous pouvions recycler ne serait-ce qu’une fraction de cela, il y aurait moyen de faire bien plus pour l’environnement et nos économies que ce que prévoit cette nouvelle législation.
Le Parlement aurait dû réexaminer plus attentivement ces questions. Car en l’état, cette nouvelle interdiction nuira aux consommateurs sans vraiment permettre de protéger l’environnement. Il aurait été préférable de veiller à ce que les États membres atteignent leurs objectifs en termes de recyclage. Ça aurait été une victoire pour l’environnement et les consommateurs qu’il n’est peut-être pas trop tard d’envisager sérieusement.
Cet article est publié en coopération avec Epicenter. Une version anglaise est disponible ici.
*Frits Bolkestein fut Commissaire européen au marché intérieur et aux services.