La France a le marché de l’emploi le plus rigide
La France a le marché de l’emploi le moins flexible des pays de l’OCDE et de l’Union européenne. Mais ce résultat ne tient pas compte des ordonnances réformant le code du travail qui n’ont pas encore produit tous leurs effets. En toute logique, notre pays pourrait donc être mieux classé l’année prochaine. Mais, ce n’est pas certain si l’on se fie au rapport du comité d’évaluation des ordonnances.
Texte d’opinion publié le 22 janvier 2019 dans La Tribune.
La France a le marché de l’emploi le moins flexible des pays de l’OCDE et de l’Union européenne. Mais ce résultat ne tient pas compte des ordonnances réformant le code du travail qui n’ont pas encore produit tous leurs effets. En toute logique, notre pays pourrait donc être mieux classé l’année prochaine. Mais, ce n’est pas certain si l’on se fie au rapport du comité d’évaluation des ordonnances.
Le Lithuanian Free Market Institute (LFMI) a publié, il y a quelques semaines, son étude sur la flexibilité de l’emploi dans les pays de l’OCDE et de l’Union européenne (UE). La France y figure à la 41e et dernière place. Avec un indice de 38,4 sur 100, elle est devancée par le Luxembourg (43,6), le Mexique (45,1), le Portugal (45,5), la Turquie (48,3) ou encore la Grèce (50,6). Tous ces pays sont loin derrière les premiers du classement : Danemark (96,9),États-Unis (92,4), Japon (91), Royaume-Uni (83,2) ou Canada (82,6).
Très différents les uns des autres, les pays qui occupent la tête du classement ont fait le choix d’un marché du travail flexible. Comme le précise le think tank lituanien, cela « favorise l’emploi, la productivité globale et la mobilité de la main d’œuvre dans tous les secteurs en réduisant les coûts et les risques liés à la modification des emplois. De plus, un marché du travail flexible permet de réagir rapidement aux fluctuations du marché, d’accroître la réactivité des salaires aux changements de la conjoncture économique et de fournir les mécanismes d’incitation appropriés pour les employeurs et les employés ».
Quatre facteurs
À l’inverse, une réglementation excessive empêche la bonne réallocation de la main d’œuvre vers des activités plus productives et motrices pour la croissance. Ainsi, des politiques de protection excessive de l’emploi diminuent celui-ci.
La position de la France, qui est la même que l’année dernière, est due principalement à quatre facteurs : les restrictions sur l’emploi des contrats à durée déterminée (CDD), tant au niveau de leurs conditions d’utilisation que de leur durée ; le coût du travail supplémentaire ou en horaires atypiques (nuit, dimanche) ; le nombre de jours de congé et enfin la réglementation sur les licenciements, et leur coût.
On voit que les réformes conduites par François Rebsamen, et surtout par Myriam El Khomri, tous deux ministres du Travail de François Hollande, et qui ont provoqué l’ire des syndicats, n’ont pas permis à notre pays de sortir des profondeurs du classement.
Les réformes engagées par Muriel Pénicaud le permettront-elles ? Un an après leur mise en œuvre, le comité d’évaluation des ordonnances a remis son premier rapport d’étape. Et le bilan dressé est plutôt mitigé.
Par exemple, sur la création du comité social et économique (CSE), en lieu et place des CE, DP et CHSCT, le rapport indique que les employeurs voient là « une possibilité de simplifier et de diminuer les coûts ». Cependant, dans la pratique, « on peut craindre que la mise en place du CSE ne se fasse a minima, avec une reconduction des pratiques antérieures adaptées au nouveau cadre ». De fait, seuls 10.500 CSE ont été créés alors que le gouvernement en attendait 50.000 à 60.000.
Un sujet capital, le temps de temps de travail
Autre sujet emblématique, celui du référendum d’entreprise. Dans les entreprises de 1 à 10 salariés, 400 textes ont été validés par référendum, et 125 dans les unités de 11 à 20 salariés. Des chiffres modestes au regard des deux millions et quelques entreprises potentiellement concernées. Le rapport contient cependant sur ce sujet une information intéressante : 84 % de ces accords validés par référendum portent sur le temps de travail. Comme quoi le sujet est capital pour les TPE-PME. Il aurait sans doute mérité un traitement plus radical.
Enfin, dernier thème, celui du plafonnement des indemnités prud’homales. Les rapporteurs estiment qu’il est prématuré de vouloir en mesurer les effets sur l’activité des juridictions qui est en forte baisse depuis l’instauration de la rupture conventionnelle en 2009 (-50 %).
En présentant à la presse leurs projets d’ordonnances réformant le code du travail, le 31 août 2017, Édouard Philippe, Premier ministre, et Muriel Pénicaud, ministre du Travail, indiquaient qu’un des objectifs visés par les textes était de donner la capacité aux entreprises et aux salariés « d’anticiper et de s’adapter de façon simple, rapide et sécurisée ». Ils avaient même évoqué « un projet de transformation sociale d’une ampleur inégalée ».
Certes, il faut laisser aux réformes le temps de produire leurs effets. On peut cependant se demander si les ordonnances travail seront suffisantes pour remettre la France au niveau de ses principaux voisins et concurrents et assouplir significativement notre marché du travail. À cet égard, les travaux du comité d’évaluation des ordonnances, qui se poursuivront tout au long de l’année 2019, seront à suivre avec intérêt.
Patrick Coquart est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.