Retraites : pas d’équilibre sans vraies réserves financières
Le projet de loi organique sur les retraites devra sanctuariser le fonds de réserve. Avec un mécanisme garantissant que les réserves permettront d’honorer les promesses et qu’elles seront reconstituées en cas de déficit. Si ce n’est pas fait, on retombera dans les errements des décennies passées avec l’apparition de déficits financés par l’endettement. Chronique de Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.
Après six semaines de grève, la circulation dans les transports publics est revenue à la normale. Ce dénouement est lié à un possible abandon de l’âge pivot. L’équilibre financier sera le sujet d’une conférence démarrée la semaine dernière avec les partenaires sociaux qui devra aboutir fin avril 2020. Les conditions sont déjà posées : pas d’augmentation des cotisations ni baisse des pensions.
Si l’on souhaite que cela soit vrai durablement, il faut conserver voire faire monter en puissance les réserves du système et expliquer aux Français l’importance de cette démarche. Cet aspect aurait dû faire l’objet d’explications et de concertations dès le début du projet. Il devrait être décrit dans le projet de loi organique sur les retraites.
Possible dérapage
La réforme des retraites vise à l’instauration d’un régime par points dans le cadre d’un système par répartition. Rappelons qu’en répartition, une part des revenus des actifs est prélevée pour financer les retraités. C’est un jeu de vases communicants qui dans son principe doit se suffire, c’est-à-dire être à l’équilibre et ne pas générer de déficits. Le point permet de valoriser les cotisations et de calculer les retraites.
Ce système permet mécaniquement d’être à l’équilibre, si l’on accepte que la valeur du point varie en fonction de ce qu’il est possible de prélever et donc de distribuer. L’équilibre est donc atteint au prix d’une possible fluctuation de la valeur du point. Or, on sait que la valeur du point est susceptible d’évoluer de façon significative du fait du déclin de la démographie, du chômage et du risque que certains puissent vouloir écourter leur carrière.
Cette instabilité n’est évidemment pas du goût de tout le monde. C’est pourquoi, le gouvernement a prévu des engagements : la valeur du point ne pourra pas baisser (et sera réévaluée en fonction du salaire moyen), le niveau des pensions ne pourra jamais être baissé, les retraites des assurés ayant effectué une carrière complète seront d’au moins 85 % du SMIC net.
Nécessaire pilotage
Ces promesses portant sur des décennies ne pourront être honorées sans ajustement paramétrique que si le régime universel est doté de réserves significatives. Cet aspect est occulté dans le projet de régime universel. A l’heure actuelle, le projet ne se donne aucunement les moyens de détecter les dérapages puisqu’il n’envisage un pilotage qu’à cinq ans. Or, l’horizon temporel adéquat en matière de retraite est bien plus long, une vie active puis de retraité représentant près de soixante-dix ans.
Sans ce pilotage, nous naviguerons à vue et les dérapages seront systématiquement détectés trop tard, nécessitant de recourir à la dette, si des réserves n’ont pas été constituées en conséquence. Le projet mentionne bien l’existence des réserves, en précisant qu’elles seront consommées dans le cadre de la transition et lorsque les déficits apparaîtront. Il ne prévoit aucun mécanisme pour rendre ces réserves pérennes.
L’enjeu va bien au-delà de la conférence sur l’équilibre financier. Le projet de loi organique devrait sanctuariser le fonds de réserve des retraites, avec un mécanisme garantissant que les réserves permettront d’honorer les promesses et qu’elles seront reconstituées en cas de déficit. Si ce n’est pas fait, on retombera immanquablement dans les errements des décennies passées avec l’apparition de déficits financés par l’endettement. Pour être durable et honorer ses promesses, le régime universel a besoin de réserves structurelles.