Pas de travail compétitif sans retraites compétitives
La flexibilité du marché du travail n’est pas le point fort de la France, malgré les réformes menées depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Notamment du fait du poids des charges sociales. Pour Cécile Philippe, présidente de l’IEM, la France devrait profiter de la réforme des retraites pour développer les capitalisations collectives et, ainsi, alléger le coût du travail. Texte d’opinion publié dans Les Échos.
Connu sous le nom de Doing business, le rapport annuel de la Banque mondial classe 190 pays en fonction de la facilité qu’il y a d’y faire des affaires. Le fonctionnement du marché du travail jouait à l’origine un rôle crucial dans cet indicateur. Or sur ce plan, et en dépit des réformes engagées au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, la France occupe encore et toujours la dernière place parmi les pays de l’Union européenne. Cette réalité mériterait d’être prise en compte dans le cadre de la conférence de financement sur les retraites.
La régulation du marché du travail figure depuis l’origine dans l’indicateur Doing Business. Cependant depuis 2012, sous pression de pays très mal classés comme la France, elle n’entre plus dans le classement final. Comme le souligne le créateur de l’indicateur, Siméon Djankov, cette exclusion est injustifiable. Le marché du travail devrait, selon lui, être réintégré par la Banque mondiale dans le classement. En attendant, le Lithuanian Free Market Institute (LFMI) a repris le flambeau depuis 2017, en publiant un Indice de flexibilité de l’emploi avec les données de la Banque Mondiale. Dans sa 3ème édition, la France continue d’occuper la dernière place parmi les 41 pays qui y figurent, en dépit des réformes récentes.
Le taux de chômage en France n’est effectivement plus passé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978. Il atteint aujourd’hui 8,1 %. Si ce niveau est le plus faible depuis 10 ans, nous faisons pâle figure vis-à-vis de nos voisins européens car notre marché du travail reste encombré par de nombreuses rigidités, en particulier un poids des charges sociales qui surpasse tout ce qui existe au sein de l’UE.
Ainsi, la France est au global la championne des charges sociales (67 % du salaire brut). Le Président Macron a fait du poids des charges sociales sa priorité au début de son mandat. Les charges patronales ont ainsi baissé significativement de 49 % à 43 %. Cet effort doit être souligné mais il reste modeste par rapport au reste de l’UE et aux enjeux français si bien que les résultats n’ont pas été spectaculaires. Dans le même temps, les contrats courts sont sanctionnés (taxe forfaitaire depuis 2020 et bonus/malus prévu d’ici 2021). Cela ne va pas favoriser l’emploi dans le secteur des services, principal créateur d’emplois en France.
S’il n’a pas été possible de diminuer davantage les charges sociales, certains proposent d’augmenter les cotisations vieillesse dans le cadre de la conférence de financement des retraites. Outre le fait que les charges sociales atteignent toujours des seuils record, il y a une aberration à vouloir actionner ce levier nuisant à l’employabilité. Notre système de retraite dépend à 98 % de la répartition et ce remède risque d’être pire que le mal.
Par contre, envisager l’amélioration du rendement des cotisations serait une réforme à la fois universelle et progressiste. Plutôt que de flécher l’essentiel des cotisations vers la répartition, on pourrait envisager de développer les capitalisations collectives. L’expérience de l’ERAFP (Etablissement additionnel de la fonction publique) montre que placer les cotisations vieillesse permet d’augmenter les retraites en limitant le recours à la fiscalité.
Voilà une réforme qui pourrait faire d’une pierre de coup pour améliorer le sort de tous les Français et incidemment notre place dans l’indice de flexibilité.