Le contrôle des prix est un problème, pas une solution
Pourquoi le contrôle des prix des gels hydroalcooliques a été contre-productif. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans L’Opinion.
Nos pouvoirs publics clament depuis plusieurs jours leur « confiance dans la science ». Cette confiance, martelée à chaque annonce officielle, guiderait l’action du gouvernement dans la « guerre sanitaire » contre le coronavirus. Mais, dans les faits, elle est appliquée de façon lacunaire, comme l’illustre la mise en place d’un contrôle des prix contre-productif sur les gels.
Un décret du 6 mars 2020 plafonne les prix des gels hydroalcooliques. Cette mesure n’a d’évidence pas produit l’effet recherché, au contraire. Selon les pouvoirs publics, ce retour du contrôle des prix, abandonné depuis 1987, visait à nous « protéger contre les hausses abusives de la part de certains fournisseurs ». Pour l’administration, cette démarche relève d’une approche préventive destinée à « rassurer les Français ».
Dans les faits, cette mesure est contre-productive. Les gels hydroalcooliques ont disparu depuis plusieurs semaines dans les rayons où ils étaient habituellement distribués. Personne ne sait quand ils réapparaîtront. Le contrôle des prix n’aide pas à accélérer le réapprovisionnement, au contraire. Il plafonne le prix de vente d’un produit recherché, dont la production mondiale ne suit pas la demande.
Au lieu d’envoyer un signal prix fort, incitant l’industrie française ou les importateurs à mettre à disposition plus de gels, le contrôle des prix fait l’inverse. Il freine la réorientation les chaînes de production existantes vers la fabrication des gels et de leurs conditionnements. Il bloque aussi les importateurs voulant faire leur métier, en les dissuadant d’acheter aux cours mondiaux les biens faisant défaut chez nous. Penser dans le contexte actuel qu’on peut se passer du marché et exclusivement s’appuyer sur les actes, bienvenus, de générosité d’entreprise comme LVMH ou Pernod Ricard, relève du déni.
Rareté durable. C’est ce qui conduit les économistes à déconseiller l’usage des contrôles des prix qui, au lieu de combattre la rareté, la rendent durable. Les exemples sont légion dans l’histoire économique. L’administration française aurait dû s’abstenir de plafonner les prix. Sa direction de la consommation et des fraudes avait d’ailleurs constaté des abus « limités ».
Pour nous protéger d’un envol des prix, les autorités ont les moyens d’agir autrement. Elles peuvent aider les producteurs à ne pas répercuter aux consommateurs la hausse des coûts de fabrication, en réduisant les impôts sur la production et les bénéfices. Les autorités ont aussi la possibilité de protéger les consommateurs d’un envol des prix, en réduisant la TVA, voire en demandant une prise en charge de la Sécurité sociale s’agissant des biens et services médicaux.
Même en Chine, les autorités ont compris le caractère fondamental des incitations économiques. Les régions ont pris soin de réduire la fiscalité sur les entreprises et la TVA sur les produits manquants, pour soutenir la production et les utilisateurs.
Respecter les enseignements de base de l’économie nous permettrait d’être plus efficaces. C’est vrai pour les gels hydroalcooliques, mais aussi pour tous les biens et services. A ce titre les déclarations récentes du ministre de l’Economie faisant un parallèle entre le prix des gels et les prix alimentaires sont très inquiétantes. Il ne faudrait pas qu’après les gels, l’administration se mette à contrôler l’alimentaire, au risque de fragiliser une autre chaîne d’approvisionnement clef.