Vivre avec ou sans le virus
La France pourrait s’inspirer de la stratégie de l’Australie ou des pays asiatiques, plutôt que d’accepter de laisser le virus se propager jusqu’à perdre le contrôle. La meilleure façon de se sortir de la pandémie est sans doute de prendre à bras le corps le virus, au lieu de s’adonner aux demi-mesures qui prolongent le mal. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans L’Express.
Il est aujourd’hui possible, près d’un an après le premier confinement en France, de distinguer deux manières de gérer le virus. Soit on cherche à l’éliminer, soit on pense pouvoir vivre avec. Cela correspond à deux stratégies différentes, résultant d’une façon d’appréhender la complexité des risques différente. La capacité d’un pays à mettre l’une ou l’autre des stratégies en œuvre dépend évidemment d’éléments culturels propres à chaque pays.
J’en suis aujourd’hui arrivée à déplorer que nous n’ayons pas en France la capacité de mobiliser les Français autour de l’élimination du virus comme en avait d’ailleurs parlé le conseil scientifique en octobre dernier sans que jamais nous n’y parvenions. Pourquoi : parce que cela évite les décès, la saturation des hôpitaux, l’épuisement physique et psychologique de soignants à qui on demande de faire des choix éthiques qui ne sont pas de leur ressort, le développement de mutations qui s’avèrent plus contagieuses et possiblement plus dangereuses pour les enfants. Au final, il est probable qu’économiquement et socialement il soit plus intelligent de fournir un effort très significatif mais concentré dans le temps plutôt que de demander des efforts plus mesurés sur une période beaucoup plus longue.
La seconde version du « vivre avec le virus » consiste à l’éradiquer à chaque fois qu’il resurgit. Il s’agit de l’éliminer immédiatement par des confinements allant jusqu’à 5 semaines, parfois plus courts comme en Australie du Sud qui n’a eu besoin de confiner très sévèrement que 6 jours en novembre dernier pour éliminer un début de propagation du virus. Cette stratégie est exigeante. Elle consiste à mettre en place des quarantaines autour des communautés, à confiner strictement le temps nécessaire en ne maintenant que les services essentiels. Une fois le confinement réalisé, il est impératif de protéger les communautés d’une importation du virus en mettant en place des quarantaines et en recourant à des tests. Mais au sein des espaces réellement libérés du virus, il est possible de retrouver une vie normale avec les cafés, les bars, les restaurants, les salles de sport, de concert, de spectacles ouverts. On retrouve une vie normale tout en restant très attentif à une reprise de la contagion tant, par exemple, qu’une masse critique de la population n’a pas été vaccinée et immunisée contre le virus. Dans la mesure où les vaccinations vont prendre du temps, en particulier en France où la campagne subit des retards opérationnels importants, et, dans la mesure où la question du temps de l’immunité n’est pas certaine ni la protection évidente contre les nouvelles mutations, il est important de prendre cette stratégie plus au sérieux.
En effet, n’a-t-on pas vu la Nouvelle-Zélande célébrer le Nouvel-An en fanfare comme si de rien n’était titre le Huffington Post? Au moment où j’écris cet article, ce pays n’avait enregistré aucun nouveau cas depuis 14 jours. En Australie, la vie quotidienne est pratiquement normale. Des pays, qui jusqu’à maintenant avaient pu conserver une vie normale, sont dans le processus d’élimination du virus à l’instar du Japon et de la Corée du sud. Cette stratégie d’élimination n’empêche pas les confinements. Elle les rend cependant efficaces en les limitant dans le temps, en évitant les décès et la saturation et en offrant aux populations des périodes longues de vie normale.
La circulation de nouvelles souches renforce l’intérêt de l’élimination.
Car les évolutions actuelles du virus suscitent des inquiétudes concernant leur plus grande contagiosité et questionne l’efficacité des anticorps contre les mutations concernées. Par ailleurs, l’agence de presse suédoise mentionne que les enfants peuvent aussi souffrir de la Covid-19. .
Le conseil scientifique évoquait en France dans une note du 26 octobre la stratégie d’élimination. Il y suggérait de s’organiser pour une « suppression généralisée » du virus en frappant fort et vite dès que le nombre de cas dépasse en France le seuil de 5 000 personnes. « Cette stratégie implique des mesures fortes et précoces à chaque reprise épidémique. Elle est cependant la meilleure garante du maintien de l’activité économique », souligne le Conseil. Ce seuil n’a malheureusement jamais été atteint faute de mobilisation autour de cette stratégie. De multiples raisons expliquent les réticences à choisir cette voie radicale, notamment le choix de laisser les écoles ouvertes le plus longtemps possible. Encore récemment, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation, affirmait que les écoles seraient les dernières à être fermées alors que dans le monde les données montrent une circulation importante du virus chez les enfants.
Depuis le début de la crise, nous avons fait fausse route en comparant le virus à la grippe et en refusant de voir que cette pandémie était, au moins pour un temps, disruptive. La France s’est retrouvée tour à tour sans masque, sans test, sans traçage, sans isolement. Elle a maintenant du mal à vacciner.
Cela ne doit pas nous empêcher de nous mettre en ordre de bataille et nous mobiliser pour confiner efficacement, éliminer le virus, mettre en place les quarantaines nécessaires pour éviter d’importer les nouvelles souches, et revivre normalement dès lors que ces mesures s’avèrent efficaces. Arrêtons les demi-mesures qui nous épuisent, sans nous donner le répit dont bénéficient nombre de pays dont les néo-zélandais, les Australiens ou les Coréens du Sud. Nous sommes très nombreux à rêver d’avoir la possibilité de prendre un café au comptoir, de déjeuner au restaurant ou d’inviter un maximum de parents ou amis. La meilleure façon de retrouver au plus vite ces moments de convivialité est sans doute de prendre à bras le corps le virus, au lieu de s’adonner aux demi-mesures qui prolongent le mal.