L’économie française convalescente d’un long Covid
Alors que les pays développés ayant réussi à éliminer le virus se portent bien, telle l’Australie avec un PIB en hausse de 1,8% au premier trimestre, la reprise n’est toujours pas là en France, avec une croissance légèrement négative (-0,1%). Faute d’avoir réussi à vite endiguer l’épidémie, nous manquons de visibilité et patinons d’un point de vue économique. Chronique par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publiée dans le Capital du mois de juillet.
Face au Covid, deux stratégies ont été employées. La première a cherché à réduire drastiquement sa circulation. La seconde, à l’atténuer pour éviter la saturation du système de santé. D’un point de vue sanitaire et économique, la première démarche, dite d’élimination, est rétrospectivement la moins coûteuse. En 2020, les pays d’Océanie pratiquant une stratégie «zéro Covid» (Australie, Nouvelle-Zélande) ou assimilée (Corée du Sud) déplorent 42 fois moins de morts et un recul économique cinq fois moins prononcé que la France, qui a opté pour une démarche d’atténuation.
Si nous avions été aussi bons qu’eux, nous aurions sauvé 60000 vies et préservé 2200 euros de PIB par habitant. Eliminer le Covid-19 s’est ainsi avéré moins difficile et coûteux que de chercher à le contenir, ce qui expose aux oscillations que nous avons subies, avec une alternance de fermetures et d’ouvertures.
Certains considèrent que la performance des pays zéro Covid n’est pas reproductible. Selon eux, leur réussite serait liée au caractère insulaire de ces zones ou à une approche peu respectueuse des libertés. Cette vision n’est pas factuelle. La Grande-Bretagne, elle aussi insulaire, enregistre en 2020 48 fois plus de morts et un recul économique six fois plus prononcé que ses consœurs du Commonwealth, ayant des caractéristiques sociologiques, juridiques et économiques proches.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont intégrées dans des vastes mouvements d’échanges commerciaux. Les voyages et le tourisme y occupent une place significative (11% du PIB) et supérieure à la Grande-Bretagne (9%). Ces pays du Nouveau Monde caracolent en tête du classement des libertés humaines et économiques des instituts Cato (Etats-Unis) et Fraser (Canada), loin devant la Grande-Bretagne ou la France.
Comme nous, ils ont eu à endiguer l’épidémie qui avait atteint leur territoire. Contrairement à nous, ils ont considéré qu’il était crucial de rentabiliser cet effort sociétal sur la durée. Les pays d’Océanie se sont organisés pour que la pandémie ne redémarre pas, ce qui leur a permis de mieux préserver leur société. En remontant les chaînes de contamination, avec le fameux dépister-tracer-isoler, et en raisonnant de façon locale, ils ont pu se contenter d’approches micro au gré des réapparitions ponctuelles de la maladie.
Une démarche beaucoup moins coûteuse que celles des pays d’Europe ayant subi plusieurs vagues épidémiologiques et multiplié les restrictions, délétères pour l’économie et les libertés. Notre choix a ressemblé à celui du pompier qui arrive à surmonter un incendie, mais se voit contraint d’affronter un deuxième foyer, puis un troisième, faute de s’être organisé pour éviter sa résurgence. Une approche clairement contre-productive.
Pour plusieurs, ce résultat n’est pas une surprise. Dès le début de la pandémie, nombre de travaux (FMI, Banque mondiale…) avaient souligné l’importance d’endiguer rapidement l’épidémie de Covid-19 pour préserver les populations et les économies, rejoignant les spécialistes du risque, tel Nassim Nicholas Taleb. Dans nos pays caractérisés par une forte division du travail, des services très développés et des interactions significatives, les pandémies sont un risque. C’est justement parce que nous sommes en réseau et que nous tenons à nos libertés qu’il convient de traiter ce risque de façon proactive, pour éviter que nos forces et aspirations se muent en fragilités.