La stratégie zéro Covid reste la plus économe
Si on laisse les contaminations se poursuivre, on augmente fortement les probabilités de voir apparaître des variants capables de contourner les mesures mises en œuvre, y compris la protection offerte par les vaccins. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans L’Opinion.
Dans un article récent de l’Opinion, la pertinence de la stratégie d’élimination de la Covid est mise en question du fait de l’émergence de nouveaux variants plus contagieux et dangereux. La question mérite d’être posée, de la même façon qu’il est crucial de se poser la question symétrique : la stratégie d’atténuation poursuivie dans nos pays occidentaux a-t-elle fait preuve de son efficacité face à l’émergence de nouveaux variants.
Rappelons ce qu’est la stratégie zéro Covid. Elle est un plan d’action visant un objectif d’élimination du virus et non d’éradication. L’éradication est de fait un constat que l’on peut faire lorsque, après plusieurs années, aucun nouveau cas d’un virus donné n’a été détecté sur un territoire. La stratégie zéro Covid ne peut donc pas se donner ce type d’objectif. Elle vise plus modestement à éliminer le virus à chaque fois que celui-ci est détecté, c’est-à-dire à agir vite et fort pour briser les chaînes de contamination et reprendre une vie relativement normale, tout en étant déterminé à détecter toutes les nouvelles occurrences au plus tôt pour éviter que l’épidémie ne reprenne de l’ampleur.
Le confinement récent de la ville de Sydney fait très exactement partie de cette stratégie. Seule la plus grande ville d’Australie est reconfinée (plutôt que le pays tout entier) car, pour préserver au maximum les libertés et la mobilité, la stratégie repose sur un zonage qui confine les régions atteintes (dites rouges) afin de protéger la mobilité dans celles où le virus ne circule pas (dites vertes).
La stratégie zéro Covid a été explicitement choisie par des pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine, le Vietnam. La Corée du Sud a choisi une stratégie qui s’en rapproche beaucoup grâce à un déploiement technologique de traçage très efficace. Ces pays ont à cœur d’empêcher le virus de se déployer sur leur territoire. Ils ont adopté cette stratégie au début de la crise sanitaire en faisant justement l’hypothèse qu’il n’était pas possible de vivre avec un virus de type Sars dont le potentiel évolutif est significatif.
« Notre étude dédiée à Covid-19 montre qu’en 2020 le recul économique avait été cinq fois moins important dans ces pays zéro Covid qu’en France, quatre fois moins qu’en Belgique et sept fois moins qu’en Espagne »
Piqûres de rappel. L’apparition des variants alpha (britannique), delta (indien) et delta plus chaque fois plus contagieux et plus dangereux leur donne raison. Si on laisse les contaminations se poursuivre, on augmente fortement les probabilités de voir apparaître des variants capables de contourner les mesures mises en œuvre, y compris la protection offerte par les vaccins.
En avance sur la question de la dynamique du virus Sars-Cov 2, les pays qui visent l’élimination sont d’une certaine façon les victimes de la dissémination du virus ailleurs, qu’ils importent sur leur territoire en dépit des mesures strictes mises en œuvre aux frontières. Cela les oblige à des piqûres de rappel régulières pour éteindre les nouveaux foyers.
S’en portent-ils néanmoins plus mal en comparaison avec nos pays ? Les données montrent que ce n’est pas le cas, bien au contraire. Sur le plan économique, les pays zéro Covid qui nous ressemblent, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont enregistré des taux de croissance significatifs (+1,8 % et +1,6 %) lors du premier trimestre 2021 alors qu’en France, la croissance est restée légèrement négative (-0,1 %). Loin d’être une anomalie, ces chiffres confirment que leur stratégie est payante.
Notre étude dédiée à Covid-19 montre qu’en 2020 le recul économique avait été cinq fois moins important dans ces pays zéro Covid qu’en France, quatre fois moins qu’en Belgique et sept fois moins qu’en Espagne. Leur stratégie d’élimination leur coûte évidemment, mais l’élément le plus important, c’est qu’elle est bien moins coûteuse pour l’économie que notre stratégie d’atténuation qui n’évite pas les morts et ne préserve pas les libertés.
« Nous continuons, de notre côté, à dilapider nos efforts et nous nous condamnons à les renouveler à chaque fois que le virus se répand massivement »
Investissement. Et c’est ce que nous n’arrivons toujours pas à comprendre dans nos pays occidentaux. C’est comme si nous avions oublié la notion d’investissement et que nous ne sachions plus calculer. Les pays zéro Covid ont fait, comme nous, un énorme investissement au tout début de la crise en confinant strictement leur pays afin d’éliminer le virus. La grande différence entre eux et nous, c’est qu’ils ont déconfiné de façon intelligente en préservant leur investissement initial, ce qui leur permet de continuer d’en bénéficier et de l’amortir sur des mois.
A l’inverse, nous continuons, de notre côté, à dilapider nos efforts et nous nous condamnons à les renouveler à chaque fois que le virus se répand massivement, ce qu’il a déjà fait trois fois et pourrait se reproduire dès la fin des vacances. En plus de bien s’en sortir sur le plan économique, les pays zéro Covid ont aussi préservé des milliers de vie et sont les meilleurs défenseurs des libertés publiques. Ils caracolent dans les indicateurs mesurant ces libertés. Ils n’ont de cesse de rendre aux citoyens leurs libertés, dès lors que l’élimination a fonctionné. Mieux que nous, ils alignent les objectifs économiques et sanitaires avec les libertés et parviennent régulièrement à établir des couloirs de mobilité entre pays sans circulation virale.
Celle-ci est devenue très faible dans un certain nombre de pays européens, dont la France, au point que nous avons pour la deuxième fois depuis le début de la crise sanitaire, l’opportunité d’éliminer durablement le virus, en capitalisant sur les efforts que nous avons faits. L’élimination, loin d’être obsolète est à la fois nécessaire pour éviter une possible quatrième vague, mais elle est aussi à portée de main dans des pays où la couverture vaccinale reste encore trop basse pour nous protéger totalement contre la dynamique du variant delta.
Ne gâchons pas une nouvelle fois nos efforts ! Ciblons-les là où ils rapportent le plus : le traçage, les tests, l’isolement et le zonage. Si nous n’avons pas cette sagesse, c’est la société entière qui sera à la peine, avec une addition humaine et économique qui, une fois de plus, s’alourdira.