Retraites, dupliquons dans le privé la capitalisation collective du public
L’ERAFP, l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique créé en 2003, a été capable de générer un rendement de 5,4 % par an, crises comprises. Son atout? Une véritable capitalisation collective dont le privé devrait s’inspirer. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos du 20 septembre.
Le financement des retraites est passé de 5 % du PIB en 1959 à 15 % du PIB aujourd’hui. Il explique 59 % de l’augmentation des dépenses publiques sur les 60 dernières années. Au-delà des inévitables ajustements à trouver pour équilibrer les comptes, l’enjeu est de financer plus économiquement les retraites futures sans nuire à la compétitivité, l’emploi et la croissance. La bonne nouvelle, c’est que nous avons une pépite en France qui nous donne la voie à suivre. C’est une capitalisation collective publique qu’il faut transposer au privé.
L’ERAFP, c’est l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique, créé en 2003 par François Fillon. Il capitalise une petite partie des primes versées à 4,5 millions de fonctionnaires. Il est cogéré par les syndicats représentants des salariés (CGT, FO…) et les 43.000 employeurs publics et depuis sa création, il a été capable de générer un rendement de 5,4 % par an, crises comprises. Ce n’est pas n’importe quel fonds de pension, il est collectif et c’est ce qui fait la différence.
Des frais de gestion plus faibles
En effet, sauf exceptions, la capitalisation en France est limitée à des plans d’épargne individuels ou négociés entreprise par entreprise. Les Plans épargne retraite (PER), qui ont fait l’objet d’une réforme en 2019 dans le cadre de la loi PACTE, s’adressent à des individus informés et/ou qui ont la chance de travailler dans une entreprise réceptive aux enjeux. Héritiers des PERP, articles 83 ou PERCO, ils ne couvrent pas tous les salariés du privé.
Négociés individus par individus ou entreprise par entreprise, cela implique des actes de vente coûteux rentabilisés par des frais de gestions qui grèvent la performance de ces capitalisations. La généralisation de la capitalisation collective, c’est la garantie de frais de collecte et de gestion les plus faibles. Le fonds de pension comme l’ERAFP, c’est aussi la garantie d’un cadre adapté, sans les contraintes type Solvabilité 2 incitant à surreprésenter les obligations d’Etat, ce qu’on observe dans les solutions assurantielles.
Les cotisations prélevées au titre de la répartition ne sont pas mises à profit pour générer des dividendes. Créer le pilier capitalisation collective qui manque dans le secteur privé, c’est se donner les moyens de dégager des marges de manœuvre financières pour préserver le niveau de vie des futurs retraités, tout en mettant à disposition de l’économie, le capital indispensable à son développement.
C’est dans ce cadre que l’Institut économique Molinari, avec CroissancePlus, proposent de dupliquer dans le privé ce qui existe déjà dans le public. Plutôt que de l’éteindre comme le prévoyait la réforme Delevoye, il faut, au contraire, s’en inspirer pour donner à tous la chance de bénéficier des gains des actionnaires et non stigmatiser ceux qui ont aujourd’hui la chance d’en profiter. On oublie que Jean Jaurès, fondateur du parti socialiste, louait dans les années 1910 les vertus de la capitalisation pour redonner au travailleur une partie de la valeur de son travail.
Concrètement, on pourrait projeter une alimentation à hauteur de 0,5 % du PIB par an, neutre pour la fiche de paie, rendue possible par une baisse du même montant de la fiscalité de production et de la CSG assise sur les salaires. En une trentaine d’années, cette capitalisation collective accumulerait de l’ordre de 20 % du PIB, de quoi réduire le retard français.