Rompre avec l’accoutumance au chômage
Le taux de chômage en France pourrait atteindre 7,6 % au troisième trimestre selon l’Insee. Ce chiffre n’a pas été atteint depuis 2008. Il faut s’en féliciter sans toutefois oublier que ce taux reste bien plus élevé que chez nos voisins européens. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos.
La France se réjouit d’atteindre son taux de chômage le plus faible depuis 2008. C’est indéniablement une bonne nouvelle. Faut-il pour autant avoir le sentiment que nous avons fait le maximum pour résoudre le problème chronique du chômage en France ? Loin s’en faut. En comparaison de nos voisins européens le chômage reste plus élevé. Cela s’explique en grande partie par des blocages institutionnels, profondément ancrés qui nécessiteraient une révolution copernicienne pour être surmontés.
Si les choses se maintiennent, le taux de chômage en France pourrait atteindre 7,6% au troisième trimestre selon l’Insee. Ce chiffre n’a pas été atteint depuis 2008. Il n’empêche que si l’on se compare à nos voisins européens ou aux pays de l’OCDE, la réalité est moins reluisante. En effet, le chômage au sein des pays de l’Union européenne était de 6,8% à fin août. Il était de 6% au sein des pays de l’OCDE, de 5,1% au sein du G7 et à 3,6% en Allemagne.
En 1993, François Mitterrand, au crépuscule de sa vie politique déclarait : « Contre le chômage, on a tout essayé. » C’est loin d’être le cas. Au contraire, la bonne nouvelle, c’est que nous avons des leviers pour réduire le niveau du chômage en France, à court terme et à plus long terme.
Le premier gisement d’emplois se trouve dans une baisse drastique des impôts de production. L’Hexagone a toujours recours à une fiscalité de production significative et hors normes. Au global la fiscalité de production en 2020, nette de subventions, représentait à peine 0,09% du PIB dans l’Union européenne, contre 2,6% en France. Cela pèse sur sa compétitivité et contribue à la persistance d’un chômage plus élevé que dans l’Union européenne. L’analyse comparée des taux de chômage français et européen montre que la France profite moins des phases de reprises que ses voisins. Notre manque de compétitivité explique la difficulté française à résorber un chômage significativement élevé, en dépit des périodes de reprise économique.
Le deuxième domaine prioritaire est l’éducation. Les marges sont énormes. Selon un travail récent de l’Institut économique Molinari, la France était 21ème sur 27 en Europe en matière d’adéquation de l’éducation et des besoins. Le taux d’adéquation entre la formation et le marché de l’emploi y est médiocre (75 %) et la proportion de jeunes de 15-24 ans, qui ne sont ni en emploi, ni en études est malheureusement significative (NEET 13 %). Si nous décidions de transformer les choses en profondeur, en développant beaucoup plus l’apprentissage et la formation professionnelle, nous pourrions largement améliorer l’employabilité.
Le troisième bassin d’emplois se trouve dans une réforme des retraites capable d’en réduire le coût, sans pour autant nuire au pouvoir d’achat. Le financement, exclusivement par répartition, pèse sur la compétitivité, l’emploi et la croissance. En France, les dépenses de retraites représentent 15 % du PIB, contre 5 % du PIB entre 1959. Les pensions ont progressé bien plus vite que les autres dépenses publiques. Elles expliquent 61 % de la progression des dépenses depuis 1959 et, indirectement, la montée du chômage, multiplié par 6 depuis lors. Capitaliser plus nous permettrait de remédier à ce handicap.
Ces trois chantiers sont immenses et nécessitent une vraie souplesse institutionnelle. La France en est-elle encore capable ? La crise sanitaire a mis à jour combien nos institutions souffraient d’immobilisme, la somme des impossibles conduisant au fatalisme. Résister au déclin est sans doute le plus grand défi de la France au 21ème siècle.