Quand le passé parasite le présent
Les services publics coûtent cher, les prestations se dégradent pourtant, et les fonctionnaires se plaignent de leurs conditions de travail. En cause, le manque d’investissement de l’État, qui consacre l’essentiel de ses ressources à payer le poids du passé. Et notamment les retraites… Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.
Les résultats des dernières élections législatives – au-delà des incertitudes institutionnelles qu’ils créent – font la part belle aux extrêmes en France, qu’elles soient de droite ou de gauche. Cela confirme le désaccord profond voire la colère de toute une partie de la population. Un sujet semble être partagé par la plupart, l’inquiétude face à la dégradation de la qualité des services publics.
Le constat est connu. Qu’il s’agisse de l’éducation, de la police, de la santé, les cris d’alarme n’ont cessé de résonner. Divers travaux attestent que les prestations collectives françaises souffrent d’un rapport qualité prix médiocre. C’est notamment le cas pour les retraites, qui coûtent en France 28% d’un salaire brut, soit 56% de plus que la moyenne de l’OCDE, pour un taux de remplacement seulement 12% supérieur à celui de nos partenaires. Même constat pour l’éducation, qui représente 10 % des dépenses publiques. A qualité égale, le système français pourrait réaliser 43 milliards d’économies sur les 155 milliards investis dans l’éducation s’il se rapprochait du rapport qualité/prix des pays les plus efficaces dans l’adéquation avec le marché de l’emploi. Plus généralement, la dernière livraison de l’« indicateur du vivre mieux » de l’OCDE (Better Life) atteste que les Français sont loin d’être ravis de leur situation. La moyenne des différents critères proposés par l’OCDE positionne la France 18ème sur 38 pays étudiés.
La cause des dérapages semble entendue, l’administration dépense trop et mal. Les dépenses publiques sont passées de 45 % du PIB en 1978 à 55 % en 2019, dernière année avant la crise sanitaire, soit une hausse de 10 points. Or, dans le même temps le mécontentement est là. Comment se fait-il que ni les contribuables, ni les fonctionnaires ne soient satisfaits. Comment expliquer que les services publics coûtent cher, que les prestations ne soient pas qualitatives et que beaucoup de fonctionnaires se plaignent des conditions de travail ?
La question est importante et il n’est pas possible d’y répondre sans entrer dans le détail des dépenses pour comprendre que nos finances publiques, et notamment celles de l’Etat, payent le poids du passé. La question est d’autant plus cruciale que sous les pressions inflationnistes le poids de la charge de la dette va remonter. Or, parmi les dépenses de l’Etat, cette charge représente déjà 8%. Mais surtout l’Etat consacre 12% des dépenses au financement des retraites de ses fonctionnaires. Les pensions représentent 33% des dépenses de personnel, avec des pics à 37% au ministère de l’intérieur et 41% pour l’armée. Quand on regarde une fiche de paie d’un fonctionnaire, l’Etat consacre autant d’argent à son traitement net qu’à la pension de son prédécesseur retraité. Le coût et la qualité des services publics, comme le pouvoir d’achat des fonctionnaires sont directement impactés par ces dépenses de l’Etat, tournées vers le paiement du passé.
On passe son temps à dire que l’Etat doit être stratège et investir, mais l’investissement représente 3,2% des dépenses, soit 10 fois moins que les déficits de l’Etat qui représentaient 34% des dépenses ou 43% de ses recettes en 2021. L’Etat n’est pas sorti d’affaires ni les contribuables. Une chose est sûre, il faut trouver les moyens de solder le poids du passé, notamment en généralisant la capitalisation pour tous, la plus économique pour financer les retraites, de sorte à libérer des moyens pour l’avenir.