Sauvons les retraites et les contribuables
«Dans le public, le budget de l’Etat est structurellement déséquilibré depuis la fin du baby-boom. Les surcoûts générés par les retraites des fonctionnaires expliquent 36 % des déficits publics depuis 2002.» Tribune Cécile Philippe et Nicolas Marques, respectivement présidente et directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans L’Opinion.
La nouvelle réforme des retraites est défendue comme la seule façon de sauver la répartition, donc les retraites. Cette erreur conceptuelle explique sans doute pourquoi, depuis des décennies, il est impossible de réformer efficacement. On a fait de la répartition un totem, alors que ses créateurs n’avaient pas cela en tête. On a perdu de vue l’enjeu sociétal, servir des retraites décentes sans nuire à l’économie. On a passé sous silence le défi qui se pose à nous, celui de la baisse irréversible de la natalité. En réordonnant les choses, des solutions pragmatiques pourraient émerger.
Le problème système de retraite actuel, c’est qu’il est quasi exclusivement financé par les prélèvements sur les actifs. S’ils étaient nombreux, ils pourraient assurer aux retraités un revenu confortable avec des comptes équilibrés. Or, ce n’est plus le cas depuis le contre-choc du baby-boom. Nous sommes à 1,4 cotisant pour un retraité, contre quatre pour un en 1956 (chiffres Cnav). Facteur aggravant, en un demi-siècle les pensions et l’espérance de vie ont augmenté. Bilan, les retraites absorbent plus de 14 % du PIB,contre 5 % en 1956.
La baisse de la natalité touche l’ensemble des retraites françaises. Pour autant, elle produit des effets différents sur les comptes des régimes privés et sur l’Etat, qui financent les pensions selon des logiques différentes.
Dans le privé, les régimes de retraite bien gérés comme l’Agirc-Arrco ont des comptes structurellement équilibrés depuis 1947. Leur défi est de limiter la baisse du taux de remplacement, conséquence de l’érosion de la démographie. Pour protéger leurs cotisants, ces régimes auraient besoin d’ajouter un étage en capitalisation collective, sur le modèle de l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) ou de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP).
Marge de manœuvre. Dans le public, le budget de l’Etat est structurellement déséquilibré depuis la fin du baby-boom. Les surcoûts générés par les retraites des fonctionnaires expliquent 36 % des déficits publics depuis 2002. L’Etat employeur est à la tête d’un des régimes de retraite les plus dégradés, avec 0,9 employé par retraité et des taux de cotisations retraite hors normes (85 % du traitement indiciaire contre 28 % dans le privé). Pour payer les retraites des fonctionnaires, l’Etat a besoin de 60 milliards d’euros chaque année.
Par conséquent, le recul de l’âge de la retraite va récréer un peu de marge de manœuvre. Cela ne réglera cependant pas le problème structurel des retraites des fonctionnaires d’Etat, qui devraient être provisionnées pour soulager le contribuable. La bonne solution est de commencer à provisionner les pensions des nouveaux fonctionnaires au sein du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Cela permettra d’économiser l’argent public, grâce aux gains générés par les placements, comme le font la Banque de France ou le Sénat.
Le chantier est colossal et faire du tout répartition un totem social n’aide pas. Lorsqu’en 1945 le gouvernement a entériné le passage en répartition, initié en 1941 dès Vichy, c’était un choix pragmatique et non idéologique, pour compenser les effets délétères de l’inflation sur l’épargne retraite. Dès le départ, les autorités savaient que les retraites auraient besoin d’être révisées, car la répartition est plus coûteuse que la capitalisation lorsque la natalité baisse. La répartition n’a pas besoin d’être sauvée, il faut réformer pour sauver les retraites et les finances publiques.