Copions les riches au lieu de les taxer plus !
Il est dans l’intérêt général de s’inspirer des plus aisés plutôt que de les pointer du doigt. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Le Point.
En cette période de grande incertitude, les idées visant à partager la valeur font plus recette que celles qui cherchent à la créer. Il est, en effet, plus simple de statuer sur ce qui existe déjà que d’inventer ce qui ne l’est pas encore. D’où le florilège de propositions consistant à taxer les riches.
Après la taxe sur les superprofits, c’est au tour de Joseph Stiglitz de proposer un impôt spécial de 70 % sur les revenus les plus élevés accompagné d’un impôt sur la fortune. Ces idées font recette en matière de popularité, mais elles laissent sur sa faim. En effet, il est bien plus intéressant de comprendre et d’observer les comportements des plus riches pour en tirer quelques leçons utiles aussi bien sur le plan collectif qu’individuel. Qu’il s’agisse du Covid ou de la gestion de sa fortune, il est clair que l’enjeu n’est pas de taxer plus les riches, mais de démocratiser leurs habitudes.
La leçon de Davos
Prenons le cas du Covid. Depuis une bonne année, la plupart des pays du G10 ont abandonné toutes les mesures visant à stopper le virus. La promesse était un retour à la normale, la combinaison des vaccins et de l’immunité collective étant censée éteindre l’épidémie ou la contenir à des niveaux n’ayant plus d’impact sur l’économie ou le système de santé. Or, outre le fait que la croissance n’est pas de retour dans la plupart des pays occidentaux, la pandémie ne s’est jamais arrêtée.
Au Forum économique mondial qui s’est tenu à Davos du 16 au 20 janvier, il n’était pas question de lever la garde. Contrairement au discours ambiant qui laisse entendre qu’il est tout simplement impossible de se mettre en ordre de bataille contre le Covid, les organisateurs du Forum montrent tout l’inverse. C’est un formidable arsenal de mesures qui attendait « les principaux leaders politiques, du monde des affaires, artistiques et intellectuels de la société » visant à les protéger du Covid.
« Pour créer un environnement sécurisé lors du sommet 2023, le Forum a travaillé avec les meilleurs experts santé et virologues au monde, ainsi qu’avec les autorités publiques suisses », indique le document à usage des participants. Ces derniers ont dû montrer patte blanche sous la forme d’un test PCR négatif. Mais surtout le site de conférence était équipé de systèmes de ventilation à la pointe de la technologie (filtres Hepa, lampes UVC…). Les participants pouvaient ainsi échanger sans crainte et sans avoir besoin de porter des masques.
L’intérêt général serait souvent d’imiter les plus aisés, au lieu de les pointer du doigt. S’enferrer dans des jeux à somme nulle est rarement la meilleure façon de démocratiser la prospérité.
Il n’y a aucun doute sur le fait que cette panoplie de mesures a été conçue de manière très efficace puisqu’elle aligne les principaux piliers de la protection contre les virus respiratoires avec notamment les tests et la ventilation. Ce déploiement – qui n’a pas suscité la moindre résistance – indique combien le risque est pris en compte par certaines de nos élites et qu’il est possible de l’atténuer. Ne devrions-nous pas en tirer quelques leçons ? La pandémie n’est pas finie et des mesures efficaces sont à portée de main comme le port du masque, lorsque les cas remontent, ou collective, avec la ventilation des espaces publics. Sur ce point la France est très en retard, notamment dans l’équipement des écoles en purificateurs.
Démocratiser la capitalisation au lieu de fustiger les profits
Autre cas emblématique, le refus de mettre les marchés financiers au service des retraites. Le sujet est d’actualité puisque le financement des retraites, en grande partie assis sur les salaires, pose problème. Face au défi de la baisse de la fécondité, la France recherche désespérément des moyens de desserrer l’étau financier qui pèse sur les retraites par répartition. Le recul de l’âge de la retraite ne fait pas l’unanimité, tout comme la hausse des cotisations ou la baisse des pensions.
Aussi, il serait utile de regarder du côté des riches et de leurs dividendes. En effet, les plus aisés sont souvent riches de leur capital qui leur rapporte, en sus de leur travail. Si l’économiste Thomas Piketty a raison, à savoir que les revenus du capital sont durablement supérieurs au taux de croissance, il y a urgence à faire bénéficier toute la population de la capitalisation collective, sur le modèle des plus riches. Jean Jaurès – fondateur du Parti socialiste et de L’Humanité – l’avait fort bien compris lorsqu’en 1909 et 1910, il proposait de financer les retraites via la capitalisation. Il soulignait qu’elle rend la classe ouvrière « à la fois capitaliste et salariée », lui permettant de recevoir « tout le produit social qui résulte de la mise en œuvre de ce capital par le travail ouvrier ».
En plus d’assurer à long terme le maintien du pouvoir d’achat des futurs retraités, la capitalisation collective pourrait soulager les finances publiques sans nuire à la compétitivité française. On voit déjà ses bienfaits à l’œuvre chez les fonctionnaires (ERAFP) ou les pharmaciens (CAVP). Il faudrait la généraliser à tous les salariés, ce qui permettrait aussi de garantir le partage le plus large possible des profits.
Voilà des alignements d’objectifs qui montrent le caractère si peu ambitieux des appels à taxer encore plus les riches. Sur ces deux sujets d’actualité, l’intérêt général d’imiter les plus aisés, au lieu de les pointer du doigt. S’enferrer dans des jeux à somme nulle est rarement la meilleure façon de démocratiser la prospérité.