Retraites des fonctionnaires: provisionner pour un meilleur service public
Plutôt que de chercher ici ou là des économies somme toute anecdotiques, l’Etat devrait s’atteler aux priorités et provisionner les retraites des nouveaux fonctionnaires. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Echos.
En démocratie, on compte sur les gouvernements pour prévenir les risques systémiques, ceux qui peuvent mettre en péril tout ou partie de la population, pas les créer. Or, l’impact immédiat du vieillissement de la population sur la qualité des services publics ne doit pas être pris à la légère.
Pourtant, l’enjeu financier lié aux retraites a été grandement sous-évalué. Depuis vingt ans, le Conseil d’orientation des retraites (COR) sous-estime l’ampleur des déficits, en occultant systématiquement les déficits liés aux retraites du public.
Sous-estimer les déséquilibres financiers
Depuis 2002, ses chiffrages n’ont pas tenu compte de 884 milliards d’euros de contributions d’équilibre liées aux retraites des fonctionnaires et aux régimes spéciaux. Cela revient à sous-estimer les déséquilibres financiers de 94 %, comme nous le montrons dans une étude récente de l’Institut économique Molinari. Face au débat qui s’installe, le COR a commencé à bouger. Il a notamment accepté de faire évoluer sa présentation, en affichant les contributions d’équilibre de l’Etat au titre de ses fonctionnaires.
Le sujet peut paraître technique et sans impact majeur. Pourtant, il faut bien comprendre que l’ampleur des ressources nécessaires pour financer les retraites a conduit à une multiplication d’arbitrages financiers au cours des 20 dernières années, ce qui a nui à la qualité des services publics.
Il est impossible d’améliorer le service rendu quand près du tiers du budget de ministères majeurs sert à payer les retraites (Education nationale, Intérieur, Justice…). Quant à réduire les autres dépenses, l’exercice accouche le plus souvent d’économies ridicules eu égard aux enjeux, lorsqu’il ne nuit pas à l’attractivité des emplois publics.
Pour atténuer les dérapages financiers liés au vieillissement (plus de 2 % du PIB/an de déficit), les pouvoirs publics ont mis en oeuvre des mesures de type « décroissance », à savoir le gel du point d’indice – conséquence indirecte d’un vieillissement non provisionné – et plus récemment une réforme visant à travailler plus pour une retraite identique, ce qui a bien du mal à passer.
Gagnant-gagnant
En parallèle dans le secteur privé, les cotisations sociales se sont alourdies au point de nuire à la compétitivité, obligeant l’Etat à multiplier les allègements de charges, tandis que les retraites ont été indexées sur les prix plutôt que sur les salaires, ce qui dégrade leur rapport qualité-prix.
Il existe pourtant des gisements de ressources non exploitées, à commencer par le provisionnement des retraites du public. Cette démarche est appliquée avec succès par la Banque de France et le Sénat. La particularité des caisses des retraites de ce dernier est de fonctionner de façon mixte, en combinant capitalisation et répartition, consommant ainsi deux fois mois d’argent public. Si l’Etat avait provisionné ses retraites comme le Sénat, il aurait placé 920 milliards dans un fonds souverain pour financer les retraites de ses personnels. Il aurait économisé en moyenne 29 milliards d’euros par an sur les 15 dernières années. Son déficit aurait été 30 % moins élevé, à 66 milliards d’euros par an au lieu de 95 milliards.
Plutôt que de chercher quelques milliards d’économies là où elles seront difficiles à trouver, l’Etat devrait appliquer cette méthode gagnant-gagnant. Provisionner les retraites des nouveaux fonctionnaires serait bon pour le budget, le service rendu aux contribuables et l’attractivité de la fonction publique.