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La France championne d’Europe de la pression fiscale et sociale

Article de Julie Ruiz Perez publié par Le Figaro le 15 juillet 2023 en une du journal et en une du supplément économie.

La France en tête des pays qui taxent le plus. A partir de lundi 17 juillet, jour de libération fiscale, les Français commencent enfin à travailler pour eux-mêmes. C’est la date la plus tardive en Europe.

Tout ce que les Français ont gagné avant le 17 juillet servira à payer impôts, taxes et cotisations. Alors que les Anglais ont été «libérés» fiscalement dès le 9 mai ou les Espagnols dès le 8 juin, les Français arrivent bons derniers de la classe européenne, révèle l’Institut Molinari, dans une étude dont Le Figaro a eu la primeur.

Ce record peu glorieux fait une nouvelle fois de la France la championne d’Europe de la pression fiscale et sociale. L’espoir de voir la situation s’améliorer est mince. Le « rythme » des baisses d’impôts dépendra de la croissance, a prévenu Bruno Le Maire. En attendant, les Français se demandent pourquoi ils sont aussi taxés, alors qu’ils constatent chaque jour la déliquescence des services publics et la dégradation des comptes publics, marqués par une dette record de 3000 milliards d’euros.

Comparé à ses voisins, le pays a le jour de libération fiscale le plus tardif : ce n’est qu’à partir du 17 juillet que les Français commenceront à travailler pour eux-mêmes.

S’il y a une médaille dont on se passerait, c’est bien celle d’être le champion incontesté des impôts. Or, année après année, la France reste en tête de ce palmarès peu glorieux. Détrônée de justesse l’an dernier par l’Autriche, elle retrouve cette année la première marche du podium des pays les plus taxés, selon une étude de l’Institut économique Molinari (IEM).

D’après les calculs de ces experts, les Français ne commenceront à travailler pour eux-mêmes qu’à partir de ce lundi 17 juillet, « libérés » du poids des prélèvements obligatoires. En clair, un salarié moyen (célibataire sans enfants, qui touche le salaire moyen) doit travailler jusqu’à cette date pour s’acquitter de l’ensemble des cotisations sociales, impôts et TVA nécessaires pour financer la dépense publique. C’est la date la plus tardive en Europe, loin derrière les Anglais, « libérés » fiscalement le 9 mai, ou les Espagnols, le 8 juin.

Le poids de la fiscalité sur le salarié moyen s’élève ainsi à 54,1 % en France en 2023. Avec un tel taux, même s’il est stable par rapport à l’an passé, l’Hexagone remporte la médaille d’or des prélèvements obligatoires, détrônant l’Autriche (championne 2022), descendue en troisième place cette année après avoir baissé significativement sa fiscalité. La Belgique arrive en deuxième place avec une pression fiscale et sociale à 53,5 %, dans l’attente d’une baisse d’impôt significative en 2024 grâce à une nouvelle réforme. Suivent l’Allemagne et l’Italie, qui, avec 50,9 % et 50,4 % de prélèvements obligatoires, ont connu leur libération sociale et fiscale les 5 et 3 juillet.

Dans ces cinq pays, plus de la moitié des revenus liés au travail sont prélevés au titre des impôts et charges. « Cela signifie que le salarié moyen n’a pas de maîtrise directe sur plus de 50 % des fruits de son travail, son influence sur la prise de décision étant, au mieux, indirecte », souligne Nicolas Marques, le directeur général de l’Institut Molinari. Or l’horizon en France ne semble pas près de s’éclaircir.

Les récentes déclarations du ministre de l’Économie, évoquant la possibilité de faire une « pause » dans les baisses d’impôts, ont douché les espoirs. Bruno Le Maire a prévenu que le « rythme » des futures baisses d’impôts dépendrait du niveau de croissance attendu pour 2023 et 2024. « On comprend que l’équation est très compliquée pour le pays vu l’état des finances publiques, mais c’est le dernier moment pour envoyer un mauvais signal aux entreprises, qui doivent plus que jamais investir », s’est inquiété Patrick Martin, le nouveau président du Medef.

Dans l’ensemble de l’UE, la tendance est celle d’une légère baisse du taux réel d’imposition du salarié avec une moyenne européenne de 44,1 % en 2023, en baisse de 0,1 % par rapport à 2022, et de 1,5 % par rapport au pic historique de 2014. « Entre 2017 et 2022, il y a eu 50 milliards de baisses d’impôt, dont la moitié pour les ménages », rappelle Bercy. « Certes, mais c’est plus compliqué à l’échelle individuelle pour les salariés », répond Nicolas Marques.

Les entreprises ont, il est vrai, bénéficié du remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par un allégement de cotisations patronales en 2019 à hauteur de 6 %. Selon les analyses de l’Institut Molinari basées sur les chiffres du cabinet EY, cette mesure a permis d’abaisser le poids des charges patronales à 43 % du salaire brut contre 49 % en 2018. Mais pour les particuliers, les gains sont plus contrastés. Par exemple, suite à la suppression des cotisations maladie et chômage lors du premier quinquennat Macron, les cotisations sociales ont été réduites de 1 215 euros en 2019 pour un salarié moyen, avec 289 euros de cotisations maladie et 926 euros de cotisations chômage en moins. Mais en contrepartie, la CSG a augmenté en janvier 2018 de 1,7 point, ce qui représente une perte de l’ordre de 663 euros pour le salarié moyen. La réforme a aussi alourdi l’impôt sur le revenu, dont l’assiette a augmenté mécaniquement sous l’effet de la baisse des charges sociales, engendrant un surcoût d’impôt sur le revenu de 149 euros.

« Bref, les réformes vont dans le bon sens mais il faudrait aller plus loin et oser se lancer dans des réformes structurelles, par exemple en introduisant une part de capitalisation dans le système de retraite, plaide le directeur général de l’Institut Molinari. Aujourd’hui, l’essentiel des prélèvements sur le salarié moyen est voué à payer les retraites. Résultat, on ne peut pas se créer de marge de manœuvre pour baisser significativement les impôts. » Pour Nicolas Marques, il est urgent de mettre en place ce type de réforme structurelle. « Le haut niveau de prélèvements pourrait se justifier s’il s’accompagnait de prestations publiques généreuses ou d’une bonne gestion des comptes publics. Mais on sait bien qu’aujourd’hui en France, ce n’est pas le cas, c’est une forme de double peine », défend-il.

En effet, le haut niveau de dépense collective français ne semble pas associé à un supplément de bien-être significatif. L’indicateur de satisfaction dans la vie de l’Union européenne classe la France autour de la moyenne. La satisfaction des Français ressort ainsi à 7 sur 10, au 19e rang sur 27. Pour ce qui est des comptes publics, la France se hisse aussi au niveau des champions européens… de la mauvaise gestion.

Parmi les principaux pays européens, « la France serait le seul à ne pas faire refluer son déficit sous la barre des 3 % en 2026, alors même que certains pays, comme l’Italie ou l’Espagne, partent de niveaux de déficit plus élevés en 2022 (respectivement 8 points de PIB et 4,8, contre 4,7 pour la France) », rappelle la Cour des comptes. La dette tricolore, quant à elle, a dépassé le cap fatidique des 3000 milliards, à 111,6 % du PIB, malgré la pression fiscale record supportée par les Français. « Compter sur les générations futures pour éponger les dettes générées par ces déficits est un pari hasardeux », alertent les auteurs de l’étude.

La une du journal du samedi (1), l’éditorial de Jacques-Olivier Martin (2), la une du supplément économie (3), l‘article de Julie Ruiz sur l’étude (4), la réaction de Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du budget à la commission des finances (5).

Nicolas Marques

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