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Pouvoir d’achat, passer de la mauvaise à la bonne dette

Le sous-développement de l’épargne retraite en France prive les salariés d’un gain de pouvoir d’achat qui serait conséquent. A l’heure des choix budgétaires, le recours à la retraite par capitalisation permettrait de réduire le poids des cotisations sociales. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

Face à l’inflation, la question du pouvoir d’achat s’invite de nouveau dans les débats de la rentrée 2023, qu’il s’agisse de payer les fournitures scolaires ou de financer les dépenses courantes. L’exécutif alterne entre les primes, les boucliers ou des annonces plus ou moins crédibles de baisses d’impôts. Quelles que soient les propositions, celles-ci sont contraintes par un modèle fiscal et social français coûteux et un usage problématique de la dette publique pour financer des dépenses courantes. Sans réformes structurelles, le pouvoir d’achat des Français ne sera pas durablement restauré.

Pour mesurer le coût réel des services publics, l’Institut économique Molinari publie depuis 14 ans avec EY un baromètre de la fiscalité des salariés moyens dans les pays de l’Union européenne. La contribution fiscale et sociale sur un salarié moyen ressortait à 54,1 % en France en 2023. Le salarié moyen célibataire coûtait 57.145 euros à son employeur et disposait d’un pouvoir d’achat de 26.243 euros, une fois déduits 29.562 euros au titre des cotisations sociales, de l’impôt sur le revenu et de la TVA.

Le sous développement de la capitalisation nuit au pouvoir d’achat

Cette année, la France repasse première sur le podium de la fiscalité pesant sur les salariés moyens, devant la Belgique (53,5 %) et l’Autriche (53,4 %). L’importance de la fiscalité française est liée aux cotisations sociales patronales et salariales. Pour certains, c’est la marque d’une protection sociale plus développée, avec une meilleure couverture vis-à-vis des risques sociaux. Pourtant, le pouvoir d’achat du salarié moyen français est significativement plus contraint que dans les pays du Nord ayant une forte tradition sociale.

Cette contreperformance est en grande partie la conséquence du financement quasi exclusif des retraites en répartition. Fin 2022, l’épargne retraite représentait 8 % du PIB en France, contre 154 % aux Pays-Bas voire 191 % au Danemark. Or, l’épargne retraite permet de financer une partie des pensions sans faire appel aux prélèvements obligatoires, grâce aux dividendes et plus-values.

Le tout répartition, une taxe implicite de 1.700 euros/an

Elle aide à financer des retraites généreuses avec des cotisations retraite moindres et un pouvoir d’achat plus élevé. Le taux de remplacement futur des retraités sera de 84 % du salaire net au Danemark et de 89 % aux Pays-Bas, contre 74 % en France, alors que les cotisations retraite représentent 13 ou 25 % du salaire brut dans ces pays du nord, contre 28 % en France. D’un point de vue économique, le surcoût lié au sous-développement de l’épargne retraite en France représente une « taxe implicite » de 6 points de salaire brut ou de 1.700 euros net par an.

Permettre aux classes moyennes de mieux vivre de leur travail est un enjeu sociétal . Pour le traiter structurellement, alors que le pouvoir d’achat des retraités est appelé à chuter drastiquement, il faudrait généraliser la capitalisation collective sur le modèle des pharmaciens (CAVP) ou des fonctionnaires (ERAFP). Si l’on veut que cela ne pénalise pas le pouvoir d’achat ou la compétitivité, il faudra accepter de réduire d’autres prélèvements obligatoires sur les salaires pour que la mise en place de la capitalisation collective soit neutre pour la fiche de paie.

Cela implique d’assumer le choix d’émettre de la bonne dette publique, associée à un investissement collectif, pour se donner le moyen de réduire la mauvaise dette que nous générons depuis la fin du baby-boom en raison de l’inadaptation de la protection sociale à la baisse de la natalité.

Cécile Philippe

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