Alcool, tabac… Jusqu’où réglementer leur consommation ?
Exclusif. Selon une étude de l’institut libéral Molinari sur la fiscalité des produits sucrés, du tabac et de l’alcool, la France se classe parmi les pays « moyennement moralisateurs ».
Si nous vous disons que la Turquie est la championne de ce classement, suivie par la Norvège et la Lituanie, saurez vous en deviner la thématique ? Pas facile ! Il s’agit de l’indicateur des États les plus « moralisateurs », établi par le réseau de think tank Epicenter, en partenariat en France avec l’institut libéral Molinari, et publié en exclusivité par Le Point.
Pour cette cinquième édition, les pays de l’Union européenne et limitrophes ont été classés en fonction des politiques – réglementations ou fiscalité – qui visent à dissuader la consommation de tabac, de cigarette électronique, d’alcool, ainsi que d’aliments et de boissons sucrés. Parmi les États les plus interventionnistes, nous retrouvons donc la Turquie, la Norvège et la Lituanie sur le podium, suivis de la Finlande (4e) et de la Hongrie (5e), tandis que les moins « moralisateurs » sont l’Allemagne (30e), la République tchèque (29e), l’Italie (28e), l’Espagne et le Luxembourg (26es).
La France, « moyennement moralisatrice »
Et la France alors ? En 13e position, le pays fait partie des pays « moyennement moralisateurs ». Dans les premières éditions, l’Hexagone faisait pourtant partie des pays qui tapaient le plus sur ces « vices ». « Mais, avec le temps, elle apparaît de moins en moins moralisatrice, en raison d’une relative stabilité du cadre réglementaire et de la montée en puissance des législations moralisatrices chez ses voisins », écrit Christopher Snowdon, auteur de l’étude et directeur de la division économie des modes de vie à l’Institute of Economic Affairs (Londres).
Dans le détail, la France se situe au 5e rang en ce qui concerne le tabac, à la 10e place pour l’alcool et à la 7e place pour les boissons et aliments sucrés. L’Hexagone est par contre très tolérante envers la cigarette électronique (23e place).
Les politiques publiques doivent-elles être « moralisatrices » ? Pour les défenseurs de ces réglementations et taxations, oui, car ces « vices » individuels ont un coût collectif pour la société, notamment en dépenses de santé. Les promoteurs de cette étude pensent au contraire que les gouvernements ont tendance à trop réglementer. « L’État ne se contente plus d’assurer la paix dans la société : il veut également décréter comment être un bon citoyen », estime Cécile Philippe, présidente de l’Institut Molinari, et chargée de l’adaptation française de l’étude.
Favoriser les substituts
« Les réglementations et taxes « comportementales », loin d’être neutres, créent des distorsions et des surcoûts. Les taxes sur les « vices » augmentent le coût de la vie, ce qui pénalise particulièrement les plus pauvres. Des règles trop drastiques et des prix trop élevés alimentent le marché noir et la corruption. Les interdictions favorisent la croissance de la bureaucratie et consomment des ressources administratives », écrit ainsi l’auteur de l’étude.
Autre argument avancé : il n’existe pas de corrélation évidente entre le score obtenu par le pays dans cet indicateur, c’est-à-dire son degré d’interventionnisme, et l’espérance de vie (voir graphique ci-dessous).
L’État doit-il pour autant rester totalement les bras croisés ? Pas forcément. « Les comportements à risque pour les autres doivent bien entendu être interdits, et l’information est importante, comme la campagne gouvernementale récente visant le binge drinking », souligne Cécile Philippe. Mais au-delà, « la meilleure politique publique est celle qui favorise les bons substituts, quand ces derniers existent bien sûr », poursuit-elle.