Et si la baisse de sa note pouvait rendre service à la France?
La baisse récente de la note française devrait servir d’alarme et nous sortir de notre léthargie à l’égard du vieillissement, cause principale de l’inexorable hausse des déficits publics. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.
L’agence de notation S&P a de nouveau dégradé la note de la dette française à AA-. La France avait déjà perdu son triple A en 2012 sanctionnant la longue détérioration de ses comptes publics. L’agence de notation ne se trompe malheureusement pas concernant la situation financière française bloquée dans un dilemme qu’elle semble incapable de résoudre. En effet, faute de reconnaître le poids d’une dette « invisible » à première vue, elle se condamne à des tentatives d’économies marginales et souvent impopulaires. Il serait temps de reconnaître le poids contraint de la dette retraite et de lui trouver une solution constructive.
La baisse récente de la note française devrait servir d’alarme et nous sortir de notre léthargie à l’égard du vieillissement, cause principale de l’inexorable hausse des déficits publics. N’en déplaise à la Cours des comptes, qui , ou au Conseil d’orientation des retraites, qui a omis pendant 20 ans le déficit généré par les retraites du public, à savoir 2 % du PIB chaque année, les données pour la France sont certes bien cachées mais difficiles à nier.
Les retraites expliquent 41 % de l’augmentation des dépenses publiques depuis la fin du baby-boom. Chaque année, l’Etat a besoin de 60 milliards d’euros pour payer les retraites des anciens fonctionnaires et de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour financer les mesures limitant les effets pervers liés à envol des cotisations sociales dans le privé. C’est la simple conséquence de la fin du baby-boom et l’incapacité actuelle à s’y adapter. Pourtant cette tendance était connue, la loi du 14 mars 1941 qui introduit la répartition précisait : « Lorsque le nombre des retraités croît avec l’élévation de l’âge moyen de la population, le service massif des pensions impose un fardeau insupportable aux éléments productifs ».
Nous y sommes et faute de prendre le problème à bras-le-corps, on passe à côté de l’essentiel à savoir qu’il ne faut pas renier les promesses, mais se montrer à la hauteur de celles-ci en économisant l’argent du contribuable. Financer une partie des retraites par la capitalisation collective épaulerait la répartition à la peine et permettrait d’améliorer le pouvoir d’achat, la compétitivité et les finances publiques.
Provisionner les retraites des fonctionnaires permettrait d’autofinancer avec les plus-values et dividendes une partie de la promesse faite aux fonctionnaires qui bénéficient déjà d’un fonds de pension rapportant en moyenne 3,7% de 2006 à 2022. Généraliser la capitalisation collective dans le privé permettrait de contrebalancer l’érosion du pouvoir d’achat des futurs retraités dont les retraites ne sont pas garanties.
Evidemment, la France déjà championne des prélèvements obligatoires ne peut pas envisager de faire porter le coût de la montée en puissance du provisionnement et de la capitalisation collective sur les contribuables. Il faudra donc compter sur la dette publique. Peut-on seulement y penser au risque de dégrader davantage la note française ? Oui, car les agences savent faire la différence entre bonne et mauvaise dette. Transformer la dette française en investissement susceptible de générer dividendes et plus-values – pour soulager le paiement des retraites tout en constituant le capital nécessaire à la croissance – a de quoi séduire les marchés financiers. C’est la meilleure piste pour rétablir les comptes publics et pour construire un avenir meilleur.